La police du Châtelet de Paris (1560-1610) : Identité, organisation et pratiques des officiers

This study focuses on the specificity of the officers of the Châtelet of Paris in the sixteenth century ; it tackles a complex field of observation revealing social divisions and institutional power games at the origin of the difficulties of police regulation. By moving away from exclusively institutional studies, this work fits in the perspective of a social and prosopographic history of the institution. The place occupied by commissioners and sergeants in society, linked to the inherent status of the royal office, allows them social recognition and legitimation of exercise in front of the populations while revealing behavioral logics. An exploration extending from social origins to the choices of careers, alliances, mobilities, fortunes, material culture and representations of officers highlights the divisions between groups. Generating conflicts, these divisions contribute to a partial explanation of the difficulty in exercising police action. Individual trajectories reflect the behaviors and undertakings of engagement in the exercise of the office or of diversion of the royal service. The existence of a diversity of institutional powers in charge of the Parisian police is at the origin of many conflicts between the institutions in charge of order preservation. The evolution of the types of conflicts but also of their number and the means enforced to resolve them makes it possible to understand part of the field work of the officers. The community of commissioners, responsible for representing and defending the interests of the group, expresses solidarity as a whole. It ensures the discipline of its members, the settlement of their conflicts, manages the distribution of functions and the breakdown of economic benefits. While being an internal « think tank » on the regulation of the conditions of exercise of the office, it contributes to the standardization of practices. Police practice is apprehended beforehand through a study of the space for the performance of duties. The study of the police quarters and the number of officers assigned to them shows a desire to strengthen control and optimize the management of police space. Part of the daily work of the commissioners with the populations is revealed through the materiality and the variation of the forms of the minutes. Time consuming civil acts greatly affected the proper performance of police surveillance tasks. A pre-established framework, characteristic of legal acts, structures the minutes of the commissioners. Similarities in form from one act to another are explained by the transmission of practices between officers. The study of the contexts and forms of violence between officers and litigants allows us to glimpse part of the exercise of police functions. Violence is understood as a challenge to the order established by the representatives of royal power and their legitimacy. It also testifies to ordinary or accentuated police deviances in the event of a crisis. The maintenance of order, the management of violence and the surveillance of populations during religious disturbances are characterized by authoritarian attempts of control set up by the Châtelet in competition with other law enforcement agents. The growing hostility of Catholics towards Protestants, the contestation of royal power and the diversity of urban authorities contribute to the instability of police order. The high point of the king’s loss of control over urban order was reached during St. Bartholomew's Day, then during the League. After the king’s takeover of the capital and the pacification of the unrest, the powers of the Châtelet were gradually reasserted to the detriment of other forms of classical regulation, in particular the urban and seigneurial authorities.Cette étude centrée sur la spécificité des officiers du Châtelet de Paris au XVIe siècle, aborde un terrain d’observation complexe révélateur de clivages sociaux et de jeux de pouvoirs institutionnels à l’origine des difficultés de régulation policière. En s’éloignant des études exclusivement institutionnelles, ce travail s’inscrit dans l’optique d’une histoire sociale et prosopographique de l’institution. La place occupée par les commissaires et sergents dans la société, liée au statut inhérent à l’office royal, leur permet une reconnaissance sociale et une légitimation d’exercice face aux populations tout en révélant des logiques comportementales. Une exploration s’étendant des origines sociales, jusqu’aux choix de carrières, alliances, mobilités, fortunes, culture matérielle et représentations des officiers met en avant des clivages entre groupes. Générateurs de conflits, ces clivages permettent d’expliquer en partie la difficulté d’exercice de l’action policière. Les trajectoires individuelles rendent compte des comportements et des entreprises d’engagement dans l’exercice de l’office ou de détournement du service royal. L’existence d’une diversité de pouvoirs institutionnels chargés de la police parisienne est à l’origine de nombreux conflits entre les institutions chargées du maintien de l’ordre. L’analyse de l'évolution des types de conflits mais aussi de leur nombre et des moyens mis en place pour les résoudre permet d'appréhender une partie du travail de terrain des officiers. La communauté des commissaires, chargée de représenter et de défendre les intérêts du groupe exprime une solidarité de corps. Elle assure la discipline de ses membres, le règlement de leurs conflits, gère la répartition des fonctions et la distribution des bénéfices économiques. Tout en étant un organe de réflexion interne sur la réglementation des conditions d’exercice de l’office, elle participe à la normalisation des pratiques. La pratique policière est appréhendée préalablement par une étude de l’espace d’exercice des fonctions. L’étude des quartiers de police et du nombre d’officiers y étant affectés démontre une volonté de renforcement du contrôle et d’optimisation de la gestion de l'espace policier. Une partie du travail quotidien des commissaires auprès des populations se révèle à travers la matérialité et la variation des formes des procès-verbaux. Les actes au civil, chronophages, affectaient grandement la bonne exécution des tâches de surveillance policière. Un cadre préétabli, caractéristique des actes juridiques structure les minutes des commissaires. Des similitudes de forme d’un acte à l’autre s’expliquent par la transmission des pratiques entre officiers. L’étude des contextes et des formes de violences entre officiers et justiciables permet d’entrevoir une partie de l’exercice des fonctions policières. Les violences sont appréhendées en tant que contestation de l’ordre établi par les représentants du pouvoir royal et de leur légitimité. Elles témoignent également de déviances policières ordinaires ou accentuées en tant de crise. Le maintien de l’ordre, la gestion de la violence et la surveillance des populations durant les troubles religieux se caractérisent par des tentatives autoritaires de contrôle mises en place par le Châtelet concurremment avec les autres agents du maintien de l’ordre. L’hostilité croissante des catholiques envers les protestants, la contestation du pouvoir royal et la diversité des autorités urbaines participent à l’instabilité de l’ordre policier. Le point culminant de la perte de contrôle du roi sur l’ordre urbain est atteint lors de la Saint-Barthélemy, puis durant la Ligue. Après la reprise en main de la capitale par le roi et la pacification des troubles, les compétences du Châtelet sont peu à peu réaffirmées au détriment des autres formes de régulation classique, notamment des autorités urbaines et seigneuriales