Modernisation foncière, formalisation publique et politiques de dépolitisation agraire en Afrique : contribution à l'Afrmodernité par le bas dans la sécurisation foncière en RD Congo

Policies oriented towards the modernization of land security (land registration, land titling, cadastre systems, subdivision, land information systems) are often presented as a panacea for land insecurity and as a condition for socio-economic development through public formalization. The thesis argues, however, that modern land management techniques are marked by a bureaucratic and unilateral formalism. On the ground, these "depoliticized policies" propose technical solutions to agrarian problems that are political in nature. By ignoring the sociopolitical claims of marginalized social categories (informal land rights, land security of indigenous peoples, immigrants and landless peasants) and by dissociating land tenure from its territorial anchorage, these techniques produce structural violence and facilitate land grabbing. We study these phenomena in the context of the Democratic Republic of Congo. Our empirical analysis in the South Kivu province in eastern DRC demonstrates how a process of insecure modernity is marked by the depoliticization of agrarian inequalities, and by the economic and judicial deterritorialization of customary spaces. Our research illustrates how hybrid normative frameworks in land tenure emerge through the ambivalent intermediation of NGOs. A major contribution of this thesis lies in the mobilization of "Afro-modernity" as an epistemological field, mobilized as an analytical concept that allows us to study the legacy of late agrarian coloniality, but also as an alternative paradigm that deepens our understanding of the crises in land modernization. In developing an "Afro-modernity from below" perspective, we offer a decolonial orientation to the political economy of land tenure, inserting a political approach into our understanding of the subjectivation of local land rights and of collective action mechanisms that transform land conflicts. In the context of land reform in the DRC, our multiscale analysis of the institutional failures of formalist systems brings us to propose a pluralist order of land security. Afro-modernity from below is ultimately presented as a land security project that promotes inclusive development by balancing ‘in between’ legal land security dynamics, on the one hand, and individual autonomy and social emancipation on the other.Les politiques orientées vers la modernisation de la sécurité foncière (immatriculation foncière, systèmes de cadastre, lotissement, systèmes d’informations foncières) sont souvent présentées comme une panacée face à l’insécurité foncière et comme une condition du développement socioéconomique par la formalisation publique. La thèse soutient cependant que ces techniques modernes de gestion foncière qui sont marquées par un formalisme bureaucratique et unilatéral se présentent souvent sur le terrain comme des « politiques de dépolitisation ». À cet effet, elles proposent des solutions techniques aux problèmes agraires qui sont de nature politique. En ignorant les revendications sociopolitiques des catégories sociales marginalisées (droits fonciers informels, sécurité foncière des peuples autochtones, d’immigrés et des paysans sans terre) et en dissociant le régime foncier de son ancrage territorial, ces techniques produisent une violence structurelle et facilitent l’accaparement des terres. Nous étudions ces phénomènes dans le contexte de la République Démocratique du Congo. Notre analyse empirique dans la province du Sud-Kivu, dans l’est de la RDC, démontre un processus public marqué par la modernité insécurisée, la dépolitisation des inégalités agraires, la déterritorialisation économique et judiciaire des espaces coutumiers et la prolifération des cadres normatifs hybrides dans la modernisation de la sécurité foncière. Notre recherche illustre par ailleurs une intermédiation ambivalente des ONG dans la sécurisation foncière. Une contribution majeure de la thèse réside dans la mobilisation du champ épistémique de « l’Afromodernité », à la fois comme un concept analytique qui nous permet d’étudier l’héritage de la colonialité agraire tardive, mais aussi comme un paradigme alternatif qui approfondit notre compréhension de la crise de la modernisation foncière. En développant une perspective de « l’afromodernité par le bas », nous offrons une orientation décoloniale à l’économie politique de la gestion foncière, nous développons une approche politique de la subjectivation des droits fonciers locaux et nous offrons une analyse du changement social dans la résolution des conflits fonciers. Dans le contexte de la réforme foncière en RDC, notre analyse multiscalaire des échecs institutionnels des modèles formalistes nous amène à proposer un ordre pluraliste de la sécurisation foncière. L’Afromodernité par le bas est présentée finalement comme un projet de sécurité foncière qui promeut un développement inclusif en équilibrant les dynamiques juridiques de sécurité foncière autour d’une démarche de « l’entre-deux », entre l’autonomie individuelle d’une part et l’émancipation sociale d’autre part.(POLS - Sciences politiques et sociales) -- UCL, 202