Les Germains et la Guerre. Mythe ancien (Ier siècle av. et ap. J.-C.), imaginaire moderne (XXIe siècle).

International audienceL’origine de la violence et des guerres constitue un thème traditionnel de controverses. Certains philosophes antiques, ainsi que Maurras ou von Moltke, voient dans la guerre une loi divine. D’autres, comme Platon, pensent qu’elle résulte des passions humaines ou qu’elle constitue une nécessité biologique (Nietzsche, Malthus). D’autres encore mettent en cause le nationalisme attisé par les despotismes. Pour les marxistes, les affrontements viennent du choc des forces économiques. Les savants, les philosophes, les moralistes quant à eux se demandent si l’agressivité constitue une constante de la nature humaine, un caractère inné ou acquis.Depuis la plus haute antiquité, la Guerre et avec elle tout son univers ont inspirés de nombreux auteurs. La tradition historiographique gréco-latine des ères républicaine et impériale témoigne de toute une littérature du fait militaire. Historiens, philosophes, moralistes, géographes, poètes s’adonnent à la retranscription de ce phénomène constant, sur fond d’un ethnocentrisme qui sert de socle le plus souvent à une propagande impériale nourrissant cette culture de l’impérialisme très en vogue au sein des cercles aristocratiques. Parmi ceux-ci figure Tacite, héraut de la Res Publica, historien romain et latin du Ier siècle. Sans avoir la fibre conquérante et les connaissances militaires d’un César ou le don prodigieux de manier la langue latine tel un Cicéron, Tacite, formidable « artiste », dépeint les foules, les sentiments et témoigne des cris de souffrance de ses contemporains. La guerre, bien que très secondaire dans l’œuvre tacitéenne est la cible d’occurrences récurrentes. Epopées militaire, récits de voyage, essais et traités politico-historique sont les sources mêmes de cet historien pessimiste qui interroge ici le fait guerrier, la politique impérialiste d’une Rome avilie et les résistances que lui opposent les peuples combattus par l’imperium romanum. C’est notamment au travers des relations romano-germaniques, dont les spécificités se tissent essentiellement au travers du phénomène militaire, ce depuis l’irruption des Germains dans le monde romain au Ier siècle av. J.-C., que Tacite traduit son inquiétude et son ressentiment à l’égard de la guerre, de ses diverses formes, de ses impératifs et de ses belligérants.Son traité ethnographique, La Germanie, rédigé vers 98 de notre ère, propose une formidable esquisse des aspects sociaux, politiques, culturels et militaires des sociétés germaniques. Ce tableau même que l’auteur dresse à l’égard des populations germaniques et de leur goût pour la guerre, la violence et les faits d’arme nous rappelle l’importance d’une culture de guerre omniprésente chez les Germains. Tacite exprime ici sa peur du barbarus, du Germain transrhénan, ennemi héréditaire de Rome depuis la romanisation des Gaules et l’époque augustéenne. Une crainte teintée d’admiration pour un peuple – dont Tacite admire les valeurs, les vertus et le respect des traditions – qui plus d’une fois a mis en échec les légions romaines, dans les sombres et impénétrables forêts de Germanie, au nord du monde romain et aux marges du monde connu. L’étude du corpus tacitéen, des Annales aux Histoires en passant par la Germanie, met en scène la guerre romano-germanique, exorcisant, dénonçant et illustrant celle-ci, la codifiant, l’analysant et souvent la conduisant ailleurs que sur les champs de bataille, portant notre questionnement sur la question de l’animalité, du phénomène barbare ou encore des idéologies de guerre