Origine et modes de dispersion des épidémies dues à Phytophthora megakarya dans les systèmes de cacaoculture innovants au Cameroun

Phytophthora megakarya (Brasier and Griffin), l'une des espèces responsables de la pourriture brune des fruits du cacaoyer est à l'origine d'importantes pertes allant jusqu'à 80% sans mesures de contrôle en Afrique Centrale et de l'Ouest. Cette espèce est connue comme la plus agressive sur cacaoyer et est dans un processus invasif. P. megakarya a complètement remplacé P. palmivora dans les plantations du Cameroun et du Nigéria mais coexiste encore dans celles du Ghana et de Côte d'Ivoire. Le caractère endémique de P. megakarya et sa récente introduction en Côte d'Ivoire (plus grand pays producteur de cacao) constitue une réelle menace pour le potentiel de production de l'Afrique entière et de l'industrie cacaoyère globale. Cette situation soulève des questionnements sur des mesures de prévention et de limitation des processus de dispersion de cette espèce invasive. La détermination de l'origine de l'inoculum dans les parcelles/régions encore exempte de cette espèce et l'identification des facteurs déterminant l'installation et la propagation de la pourriture brune due à P. megakarya peuvent permettre de trouver des leviers d'action pour améliorer les stratégies de lutte. Cette thèse porte sur le suivi épidémiologique des infections dues à P. megakarya dans les parcelles cacaoyères nouvelles installées. Elle s'est proposée de : i) décrire la dynamique spatiotemporelle de la maldie au sein de ces parcelles, ii) étudier la diversité de P. megakarya en relation avec la dynamique épidémique et iii) d'identifier les facteurs associés à la présence de la pourriture brune. Cette étude a été menée dans quatre parcelles cacaoyères initialement dépourvues d'inoculum endogène situées dans trois localités du Cameroun : Bakoa et Kedia en zone de savane et Ngat en zone de forêt. Des observations sur la présence de la maladie entre 2009 et 2016 ont été réalisées pour décrire la dynamique des cacaoyers infectés. L'analyse spatiale a révélé une distribution globalement agrégée des infections confortée par des autocorrélations positives indiquant une dispersion de proche en proche. L'étude de la dynamique temporelle a permis de mettre en évidence l'importance relative de l'inoculum primaire et secondaire. La récurrence des foyers d'infections dans certains endroits de parcelles a été observée et serait due à un environnement microclimatique favorable au développement de la maladie. Les souches de P. megakarya collectées dans les parcelles et leur environnement voisin ont permis de faire le génotypage via les marqueurs SSR. La description de la diversité génétique des souches de P. megakarya a montré une faible variabilité génétique et l'existence d'un type sexuel dans les populations étudiées suggérant un mode de reproduction essentiellement clonal. Les génotypes multilocus majoritaires MLG 11 et MLG 16 ont été observés dans les parcelles et leur voisinage pendant toute la période d'étude et seraient probablement à l'origine des infections primaires. Une discrimination géographique des complexes clonaux CC 11 et CC 16 a été observée, indiquant une adaptation selon les zones de savane et de forêt respectivement. Le test de pathogénicité des souches majoritairement présentes a également mis en évidence une différence du niveau d'agressivité entre celles de savane et de forêt. La prospection d'un réseau de parcelles a permis de montrer l'importance de l'environnement voisin et des opérations culturales dans la gestion de la maladie. En somme l'isolement par la distance ou via des haies naturelles des nouvelles parcelles limiterait l'arrivée de l'inoculum primaire. Une récolte phytosanitaire rigoureuse en début d'épidémie contribuerait à limiter la propagation de la maladie et l'utilisation des fongicides