Le carnet de voyage de l'ethnologue-anthropologue

L’héritage des sciences de l’homme, de l’anthropologie et de l’ethnographie explique la diversité des approches sociologiques du carnet de voyage contemporain dans ses dernières tendances, tournées vers le reportage. Les thèmes des carnets de voyage édités portent sur des champs de l’ethnologie, proches de la sociologie : sites particuliers, témoignages de tranches de vie, utilisation du reportage instantané, donc ethnographique, croquis descriptifs de l’intérieur de l’habitat et des objets usuels sur l’exemple des deux carnets de Karine Huet sur l’Atlas, enquête de terrain digne d’un ethnologue en immersion, sur le modèle du carnet sur les sans-abris intitulé Viens chez moi j’habite dehors, un voyage chez les sans-abri d’Elsie Herberstein ou dans la ville d’Alger, à travers une galerie de portraits, qui est le reflet de la diversité de la population algérienne : l’échantillonnage et le questionnaire d’entretien seraient en effet à comparer avec les méthodes de l’ethnologie. Le carnet de voyage serait-il hérité de l’ethnographie et de l’anthropologie visuelle ? Le reportage graphique pourrait-il être un outil au même titre que la photographie pour l’anthropologie et pour la sociologie ? En quoi le carnet d’un voyage vécu, lointain ou proche, voire près du quotidien, participerait-il de la recherche en sociologie ?Afin d’essayer de répondre à ses problématiques un parcours à travers l’histoire du carnet de voyage semblerait indispensable puisqu’elle annonce l’essor de l’ethnographie moderne aux origines de l’illustration orientaliste, à partir de 1798, et de la passion de la découverte géographique depuis 1821. Les premiers « ethnographes » ont cherché quel était le médium le plus adapté à leurs relevés : carnet de notes, journal de route, carnet d’esquisse, carnet de récoltes. Les écrits de l’exploration sont en effet à mettre en relation avec l’histoire de l’ethnographie et de l’ethnologie-anthropologie ; de plus le carnet de voyage place, au cœur de son projet et de sa démarche, le regard, l’observation et l’enquête ethnographiques; il semblerait annoncer les prémisses de l’anthropologie et de la sociologie visuelles, bien avant l’usage de la photographie. Ainsi cette filiation pourrait-elle expliquer que le carnet de voyage investit, depuis quelques années, les champs actuels de l’ethnologie du proche, par l’usage du reportage graphique et sociologique, parfois dans une visée documentaire plus qu’artistique