Les Vikings à Bordeaux et la mémoire de leurs incursions. État des sources

À ce jour, en l'absence de vestiges archéologiques probants, les seuls moyens pour appréhender l'impact des incursions scandinaves en Bordelais restent les textes, inégalement utilisés par l'historiographie faute de considération suffisante pour les sources tardives. Les sources contemporaines qui se recoupent parfois sont plus fiables quoi qu'écrites dans des régions éloignées de ce théâtre d'opérations. Elles montrent que, à partir de 844, en l'espace de quatre ou cinq ans, les Normands passent du stade des reconnaissances à celui des raids saisonniers pour en arriver à une série d'hivernages (848, 855, 864) leur permettant de rayonner en profondeur sur le Bordelais et les pays limitrophes. Ces sources n'évoquent rien pour la fin du Xe siècle. Les textes écrits dans la région sur ces évènements ont tous été rédigés tardivement entre les XIe et XVIe siècles. Ils sont plus étoffés, mais toujours peu précis sur les destructions attribuées aux Normands et ne révèlent pas leurs sources. Nous y voyons, au contraire, des constructions historiques élaborées par vraisemblance, par désir de tromper ou par souci d'étymologie. Mais il y a aussi dans cette génération de textes des récits qui recyclent des traditions locales perdues, amplifiées ou rhabillées. Loin de devoir être rejetés dans un réflexe d'hyperpositivisme, ces récits longtemps jugés indignes d'intérêt permettent de suivre quelques uns des processus mémoriels bâtis autour du souvenir normandBecause of lack of archaeological evidence, the only way to understand the impact of the Scandinavian incursions into Bordelais during 9th century are texts. Contemporary sources are more reliable but have been written in remote areas. They show that from 844 onwards, during 4 or 5 years, the Normans passed the stage of recognition to seasonal raids and to a series of winterings (848, 855, 864) allowing them to move in depth around Bordeaux and in the neighboring bishoprics. These texts do not mention anything in the late tenth century. The texts written in the region about these events were all written between the late eleventh and sixteenth centuries. They are more substantial, but still sketchy on the destruction attributed to Normans and do not reveal their sources. We see, however, historical narratives developed by likelihood, with the aim to deceive or for the sake of etymology. But there is also in this generation of text, stories using lost local traditions, recycled or amplified. Rather than being discarded, these stories long deemed unworthy of interest, are liable for understanding some of the memory processes built around Norman