L'espace anthropologique : abécédaire anthropologique de l'architecture et de la ville

Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine, n°20-21Ce dossier des Cahiers, cet « Abécédaire anthropologique de l'architecture et de la ville » se place dans une logique de va-et-vient scientifique, dans l'expérimentation d'un langage commun au-delà des jargons disciplinaires qui ferment au lieu d'ouvrir les portes de la connaissance. On ne trouvera ici ni un dictionnaire, ni un glossaire. Au sens où le dictionnaire entend recenser de manière exhaustive l'ensemble des termes d'une langue, fut-elle professionnelle et spécialisée. Au sens où le glossaire explicite quelques termes d'un texte ou d'un article qui fait l'objet de la communication. Mais, un abécédaire, au sens plus modeste où, pour apprendre un langage, pour s'entendre sur ce que l'on partage, sur ce que l'on a de commun, chacun fait l'effort de préciser quelques notions qui semblent encore incertaines, mais qui pourtant focalisent ce lieu qui nous est commun et où nous pouvons nous entendre. Un choix de termes nous est apparu évident, des mots qui fonctionnent de fait dans plusieurs disciplines et qui concernent nos objets : l'architecture et la ville aujourd'hui. La prise de pouvoir médiatique par quelques vedettes en mal de célébrité ne doit ainsi pas masquer le travail de fond, autrement plus sérieux et crédible, que nombre de collègues poursuivent patiemment, avec plus de modestie.Le temps d'une architecture de la « table rase » serait -dit-on- révolu, même si quelques architectes ou urbanistes amateurs l'appliquent encore de nos jours. Le projet d'architecte devrait s'inscrire sensément dans un lieu, un site, une histoire, une culture, pour leur apporter un « plus » et non pour les dénier. L'architecte des concours internationaux et des monuments sans frontières - mais aussi l'urbaniste des périphéries urbaines et des grands ensembles - se feraient ainsi anthropologue, attentif aux pratiques quotidiennes, aux identités locales, aux contextes culturels. Les clivages entre architecture vernaculaire et savante, les partitions entre constructions banales et spectaculaires, les distinctions entre tradition et modernité perdraient de leur sens ou du moins inspireraient de nouvelles conceptions et pratiques de l'architecture.L'esprit a été de réunir des expériences et des approches de type anthropologique (ethno-architecture, anthropologie de l'espace endotique ou exotique, ethnologie urbaine, ethnologie des pratiques architecturales...) concernant l'espace bâti, qui se sont développées au cours des dernières décennies, et de donner quelques aperçus sur leur impact dans la théorie et la pratique de l'architecture. Les tentatives de rapprochement de l'anthropologie avec les disciplines de l'espace se sont traduites -en particulier depuis les travaux d'Henri Lefèbvre, de Paul-Henri Chombart de Lauwe et l'ouvrage de Marion Segaud et Françoise Paul-Lévy - par un effort de constitution d'une anthropologie de l'espace, comme fondement d'une théorie de l'espace humain vécu. L'affinité particulière de l'architecture pour la discipline anthropologique, attentive au sens des constructions matérielles ou symboliques et rompue à l'analyse des permanences historiques ou des particularismes locaux, devrait être au cœur de l'interrogation