D'une dévotion l'autre ? L'évolution de la pratique du pain bénit mise en rapport avec le processus de « sortie de la religion »

La pratique du pain bénit s'est perpétuée durant des siècles, dans certaines paroisses jusqu'au début des années 1980. Pourtant, une étude attentive permet de repérer une évolution dans la signification que les milieux ecclésiastiques ont prétendu lui donner à l'intention des laïcs. Si on a plutôt affaire d'abord à un élément de la liturgie de la messe mettant particulièrement en valeur l'union et la fraternité de la communauté paroissiale, au point qu'on pourrait y voir un véritable rite communautaire, d'autant plus important que la communion des laïcs n'est pas fréquente et reléguée en dehors de la messe, à partir de la seconde moitié du XVIIe et plus encore au XVIIIe siècle, la pastorale du pain bénit vise à faire bien avantage de cette pratique une dévotion personnelle, volontaire, inscrite dans le cadre d'une sociabilité religieuse choisie et structurante pour ses protagonistes en terme d'engagement voire de piété. Or, on peut alors voir dans cette évolution un nouvel éclairage du processus de privatisation de la religion et de sortie de l'imaginaire catholique de la société chrétienne englobante et totalisante., ce que Marcel Gauchet a décrit comme un phénomène de « sortie de la religion ». En effet, si la religion a peu à peu cesser de structurer la société, les croyances individuelles et les engagements pieux n'en ont pas pour autant disparu