Le Chant général de Pablo Neruda ou la nécessité d'une nouvelle poésie épique

Cet article montre que Chant général redéfinit un héroïsme épique collectif et populaire. La démonstration s'appuie en particulier sur les effets d'intertextualité et le travail de réécriture de la légende de Caupolicán, qui s'appuie sur Alonso de Ercilla aussi bien que sur Rubén Darío, tout en détourant leurs versions. L'œuvre ne recueille pas les exploits d'un héros, ou même de héros exemplaires, mais construit un héroïsme véritablement collectif, qui relie figures héroïques et masse anonyme, qui dessine le triomphe du peuple à l'horizon de l'Histoire. Chant général est scandé par un rythme de la récurrence et retrouve ainsi le caractère formulaire de l'épopée primitive. Mais le retour des motifs n'a pas seulement pour fonction de lier les moments du récit, il participe à l'élaboration d'une structure identitaire pour le peuple américain. Loin de construire une image du monde figée dans la répétition du même, la récurrence révèle la cohérence des luttes américaines, construit une unité qui annonce l'avènement du peuple à l'horizon de l'Histoire