Le chiasme de l'activité: À propos de Françoise Lantheaume & Christophe Hélou, « La souffrance des enseignants : une sociologie pragmatique du travail enseignant ». Paris : PUF, 2007. – 173 p. (« Éducation & société »).

Long compte-rendu d'un ouvrage prévu pour une publication périodique qui a cessé de paraître depuisF. Lantheaume et C. Hélou abordent la question de la souffrance au travail des enseignants, en écartant d'emblée les figures communes et commodes qui le parasitent. Il ne s'agit pas de faire l'inventaire de leurs maux, à l'« intérêt limité » voire « déprimant », ni de « conforter un éventuel dolorisme professionnel » en se focalisant sur leur « malaise » – au reste devenu un juteux et semble t-il indéracinable marronnier éditorial. Il s'agit plutôt, comme l'indique expressément le sous-titre, de contribuer à une « sociologie pragmatique du travail enseignant » et donc à une compréhension de sa spécificité, en examinant les difficultés professionnelles des enseignants et leurs conséquences, tant sur les personnes que sur le groupe professionnel, sans pour autant céder à une psychologisation du social – voire à sa médicalisation –, ni à la victimisation des acteurs. Se revendiquant pragmatique au sens non péjoratif du terme, il ne s'agit pas de produire une sociologie de la souffrance, laquelle n'évite pas toujours l'écueil de l'empathie – d'autant plus forte qu'elle est souvent récusée comme ce qu'elle veut précisément éviter – mais de faire une sociologie du travail enseignant, dont l'originalité réside en ce qu'elle aborde et construit son objet de manière oblique (qui ne veut pas dire biaisée ou fallacieuse), par un angle singulier, celui de la difficulté, considérée comme un révélateur et un analyseur de sa réalité. Clairement énoncé, le projet de l'ouvrage est d'« exposer comment les difficultés du métier d'enseignant organisent aussi bien les douleurs et les souffrances ordinaires que les plaisirs et la reconnaissance qu'il procure. » Son ambition est donc de traverser le miroir de l'expression commune de la souffrance au travail, de froisser le voile de sa représentation sociale légitime. Les difficultés n'y sont pas envisagées comme un « avatar ou une excroissance du métier » qui lui ferait obstruction mais comme « une réalité dont la gestion est constitutive du métier » (p. 1). De sorte que la difficulté, inhérente à l'activité, « n'est pas seulement ce qui ne va pas mais ce qui permet de décrire le travail, l'organise, le révèle à lui-même ». (ibid.) Elle en est le nœud même, le produit, ou, pour le dire de manière plus sensible, le grumeau nécessaire de sa pâte