Voyages en identités. Les espaces-temps des appartenances des Turcs de Bulgarie établis en Turquie.

International audienceDepuis la création d'un Etat bulgare en 1878, pour les populations turcophones de Bulgarie le départ vers le cœur de l'Empire ottoman, puis vers la Turquie, a constitué un horizon du pensable, parfois du possible. De ces migrations successives sont résultées une multitude de manières d'être Turc originaire de Bulgarie en Turquie. L'objectif de la présente contribution est d'interroger ces appartenances telles qu'elles se constituent dans une pratique des lieux qui est aussi pratique de la filiation et du temps. En examinant les voyages des racines de Turcs de Bulgarie établis dans les mégapoles turques de Bursa et d'Istanbul, l'analyse invite d'abord à reconsidérer l'opposition parfois trop marquée entre des notions de " départs " et de " retours " qui ne reflètent pas la variété des significations attribuées aux voyages - rêvés ou accomplis, routinisés ou exceptionnels, etc.- par ceux qui y prennent part. Elle suggère ensuite à quel point les manières de réinvestir (ou non) la terre des ancêtres sont corrélées à des trajectoires sociales qui médiatisent la question de la filiation à travers celle de l'affiliation revendiquée dans le pays d'installation. Elle montre enfin combien les voyages des origines, souvent envisagés comme fenêtre sur la spatialité des identifications, constituent des objets temporels, non par leur seule inscription dans la durée du trajet et du séjour, mais par l'invitation qu'ils représentent à retraverser des passés sélectivement relus. Ce faisant, ils constituent des vecteurs de réagencement des temporalités individuelles, familiales et collectives à la faveur desquels s'élaborent les récits changeants de l'appartenance