Les 'Incunables des langues', ou La place de l'onomatopée dans l'étymologie à la Renaissance

En France et dans l'Europe de la Renaissance, se développe une véritable méthode d'analyse étymologique: même si le désir de retrouver une origine est encore souvent lié à la croyance (chez les mystiques du langage), au nationalisme (chez les historiens des langues vulgaires), ou à l'attrait du jeu littéraire, l'approche grammaticale et lexicologique s'appuie de plus en plus sur l'observation de structures communes et sur un découpage morphologique désormais soutenu par la conscience de l'existence de " racines ". Aux vestiges nostalgiquement rassemblés succèdent des familles de mots organisées selon les grands principes de la motivation linguistique: la raison, l'usage et la description encyclopédique. À la fin du siècle, les étymologistes admettent non seulement l'existence d'emprunts mais encore l'importance des conditions sociales et " climatiques " des transformations linguistiques. La variation n'est plus une anomalie généralisée mais une nécessaire effervescence dans laquelle on peut désormais contrôler ce qui fut l'imprévisible variété du lexique, tout en la conciliant avec la prévisible normalisation des langues par les dictionnaires et la néologie. L'histoire de l'onomatopée le montre, à partir de mots tests comme barbare, Babel, bec et Bacbuc : entre Chéradame, philologue platonicien et kabbaliste chrétien convaincu, et Pasquier, historien de la langue française, soit de 1543 à 1596, la recherche s'est déplacée, d'une quête d'universaux phonétiques communs au grec et à l'hébreu; à l'idée que les onomatopées sont l'effet d'une création naturelle et " à plaisir ", par des peuples désirant imiter à leur guise le son des choses, comme dans ahan ou tintamarre, fleurons de l'onomatopée gallicane