La parole trahie : mythe fondateur et fondement éthique de la poétique mussétienne

Et j'en dirais bien plus si je me laissais faire. Ma poétique, un jour, si je puis la donner, Sera bien autrement savante et salutaire. C'est trop peu que d'aimer, c'est trop peu que de plaire ; Le jour où l'Hélicon m'entendra sermonner, Mon premier point sera qu 'il faut déraisonner" . Selon ces vers datés de novembre 1842 et écrits en hommage à Leopardi, la poétique mussétienne existerait bel et bien. mais sur un mode conditionnel (<< j'en dirais bien plus "), selon un e modalité hypothétique imposée par la procrastination du poète (<< un jour. si je puis la donner ") ; virtuelle, cette poétique ne saurait dans l'immédiat s'énoncer que sous la forme provocante de l'impératif de déraison - déraisonner : rompre nécessairement avec l'esprit de sérieux, comme avec l'édification rationnelle des règles de composition et des hiérarchies génériques. De là, toujours dans " Après une lecture ". le rejet des lois lexicales comme de tout " bon usage ". Ces trois vers sont célèbres. qui érigent la volonté libre du poète en unique critère esthétique : " j'ai fait de mauvais vers, c'est vrai; mais, Dieu merci, / Lorsque je les ai faits, je les voulais ainsi, / Et de Wailly ni Boiste, au moins, n'en sont la cause." De là aussi l'intégration généreuse, dans un enthousiasme aussi provocant, des genres infra-littéraires en cette poétique follement déréglée : " Vive le mélodrame où Margot a pleuré!