Prisons et décence : une institution sous tensions

La prison est une institution sous tensions, notamment parce qu'elle se trouve confrontée, comme d'autres institutions contemporaines, comme l'école, l'hôpital psychiatrique ou le travail social, à des processus historiques, en lien au mouvement démocratique. La prison dispose de tous les attributs d'une institution : investie d'une mission régalienne, elle dispose d'une assise organisationnelle solide et d'une emprise forte, mais jamais totale, sur l'individu. Et des tensions s'exercent sur ces différents niveaux institutionnels, à la fois au niveau macro-politique, particulièrement la place de l'institution carcérale dans la société, la définition de ses missions ou encore l'influence de la politique sécuritaire sur son activité mais aussi au niveau de son organisation, avec la mise en oeuvre des Règles Pénitentiaires Européennes, l'instauration de nouveaux dispositifs et de nouvelles approches gestionnaires, et enfin au niveau des modes d'appropriation par les acteurs des contraintes professionnelles et des exigences d'autonomisation de l'individu incarcéré dans un monde fermé et déresponsabilisant. Les tensions actuelles ainsi repérées sont à inscrire dans une perspective historique afin d'en comprendre le sens et de dégager les dynamiques plus récentes ou plus récurrentes. Cette analyse nous a permis de circonscrire une tension centrale particulièrement forte pour traverser et bousculer l'ensemble de l'institution : il s'agit des liaisons et tensions entre prison et démocratie. Il s'agit de comprendre comment les valeurs démocratiques entrent en prison, modifient les attentes des uns et des autres, transforment les missions et les relations et sont sources de conflictualisation et de tensions récurrentes. La montée de la symétrie, le prix accordé à la liberté, l'émergence de l'autonomie ont modifié le regard porté sur l'enfermement, ses principes comme ses modalités concrètes