Les premiers commentaires latins au De memoria et reminiscentia d'Aristote : les leçons d'une triple édition princeps

International audiencePourquoi l'édition critique d'un texte bref, transmis par quelques manuscrits, aura-t-elle demandé plus de vingt ans ? Cette question rassemble les divers points de méthode que j'aimerais aborder, à propos d'Adam de Bockenfield, maître ès arts à l'université d'Oxford dans les années 1240, et de son commentaire, le premier connu en latin, sur le De memoria et reminiscentia d'Aristote 1. Commencée en l'an 2000, cette édition s'est vite heurtée à des difficultés nombreuses mais instructives. C'est pourquoi, au moment où Julie Brumberg-Chaumont et moi remettons notre travail à la collection Auctores Britannici Medii Aevi, publiée sous les auspices de la British Academy, j'ai pensé utile de prendre un peu de recul et d'aborder devant vous les problèmes rencontrés, nos choix pour les résoudre, et les enseignements plus généraux qu'on peut tirer de là sur l'édition critique des textes universitaires du Moyen Âge 2. Ces problèmes sont de trois ordres. Il y eut d'abord notre peine à identifier l'oeuvre à éditer, dans un feuilleté de commentaires et de rédactions, plus nombreux et complexes que l'état de la question ne le laissait prévoir 3. Ensuite, la nature spéculative du texte et son état défectueux, dans chaque manuscrit et peut-être même dès l'origine, réclamait un travail aigu de 1 Adam de Buckenfield (ou Bockfield), originaire du village du Northumberland dont il tire son nom, a vécu de 1220 environ à 1279/1292. Sa carrière d'étudiant (1238), de maître ès arts (1243) à Oxford, puis de chanoine à Lincoln (1263-1264) et son oeuvre d'exégète du corpus péripatéticien ont été décrites par Franz PELSTER, « Adam von Bocfeld (Bockingfold), ein Oxforder Erklärer des Aristoteles um die Mitte des 13