La périurbanisation logistique : les intérêts croisés de l'industrie immobilière et des collectivités locales dans le périurbain francilien

Avec près de 10 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, le transport de marchandises est un des premiers contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre. Cette part est en forte augmentation. De plus, les activités logistiques, encadrant le transport proprement dit (préparation des envois, tri des marchandises, changement de mode de transport, stockage), nécessitent la construction de bâtiments de grande voire très grande surface : les entrepôts (aussi appelés plates-formes logistiques). À ce titre, ces activités sont de gros consommateurs d’espace : il s’est construit en Île-de-France 25 millions de m² d’entrepôts depuis 1985. Le développement de ces activités est donc un facteur d’artificialisation des sols et d’étalement urbain. Ces activités économiques posent de sérieux enjeux en termes de transition écologique. Du point de vue des solutions d’aménagement, le consensus scientifique s’articule autour de deux préconisations principales. D’une part, pour favoriser le report modal des flux de marchandises depuis la route vers le transport fluvial et ferroviaire, il conviendrait de concentrer les lieux de réception et d’émission des flux, c’est-à-dire principalement les entrepôts et secondairement les usines, autour des terminaux ferroviaires et des ports fluviaux. D’autre part, pour réduire les distances parcourues et les émissions de CO2 afférentes, il conviendrait de conserver le maximum d’entrepôts à proximité des zones urbaines denses et même d’encourager l’implantation de nouvelles installations logistiques compatibles avec un environnement urbain à l’intérieur de ces zones denses. Or, on constate au contraire la persistance d’un processus de desserrement toujours plus grand des entrepôts depuis les périphéries proches vers des périphéries de plus en plus éloignées. Ce processus peut être décrit comme une périurbanisation logistique. L’objectif de notre présentation est de montrer que la périurbanisation logistique se poursuit dans la mesure où non seulement elle répond aux besoins en grands espaces des activités logistiques mais aussi parce qu’elle correspond aux intérêts des deux acteurs principaux de la production des espaces logistiques. Une branche de l’industrie immobilière spécialisée dans la construction et la gestion des entrepôts ainsi que d’un certain nombre de communes et d’intercommunalités périurbaines tirent profit de cette évolution géographique. Ces intérêts croisés se cristallisent autour d’un produit immobilier particulier : le parc logistique logé dans un fonds d’investissement. Ce dernier est plus qu’un produit immobilier. Il répond aux besoins d’implantation des activités logistiques pour des durées courtes aux portes des métropoles tout en s’avérant être pour les collectivités locales une solution d’aménagement et de gestion des zones logistiques. Nous présenterons dans un premier temps la géographie de la périurbanisation logistique. Nous montrerons qu’elle est le résultat de l’adéquation particulière du modèle économique des grands investisseurs immobiliers logistiques avec les enjeux d’action publique propres à certains territoires périurbains. Notre deuxième temps sera donc consacré à la structure et aux firmes du marché immobilier logistique. Enfin, nous monterons en quoi le parc logistique répond à bien des problèmes qui se posent à l’échelle communale dans le périurbain à travers plusieurs exemples situés dans la région parisienne