Engagement normatif et engagement sensible dans le face à face de l’intervention sociale

International audienceLa contractualisation des relations entre professionnels et bénéficiaires de l’action sociale, soutenue par l’Etat social, prend la forme d’une injonction à la responsabilité et à l’autonomie. Cela modifie la matrice relationnelle du travail social. Un ordre négocié de l’intervention émerge. Mais ce nouvel ordre négocié connait diverses variantes. Tantôt, il favorise délibération et échange. L’extension de soi proposée au bénéficiaire de l’aide est alors sous-tendue par un « engagement professionnel sensible ». L’«engagement sensible» introduit une attention personnelle portée à la difficulté d’autrui. Il renouvelle l’accomplissement de l’intervention sociale souvent de manière heureuse, parfois de manière affligeante. Il s’articule souvent positivement à un «engagement normatif», fait de prescription et de respect de la règle. Mais, tantôt, la négociation est réduite à une peau de chagrin. Elle laisse la place à un travail sur autrui prescriptif. Là, l’«engagement normatif» prend le pas sur la délibération. L’engagement normatif se traduit par une mobilisation particulière des schèmes de loyauté, volonté, mérite et responsabilité. Ce qui est nouveau, c’est que la norme contemporaine institue une individualisation de la posture professionnelle. Ainsi, une valeur personnelle imputée au bénéficiaire de l’aide est susceptible de déjouer les exigences contractuelles prescrites par les politiques sociales. Partant, une règle « secondaire », faite de singularisation et de construction d’un répertoire éthico-social devient hautement régulatrice de l’intervention sociale. In fine, on observe une coloration sensible et un métissage des normes d’intervention. Notre propos prendra appui sur de longues observations de divers agencements de l’intervention sociale d’une ville moyenne de Bretagne