Des discours sur la conciliation en tension avec les normes de carrière. L'exemple des cadres d'entreprise

National audienceDe nombreux travaux se penchent aujourd'hui sur les conditions d'émergence d'un nouveau modèle plus égalitaire de division sexuée du travail, qui serait caractérisé par une configuration dite à « deux apporteurs de revenus, deux pourvoyeurs de soins » . Ce questionnement est justifié par des préoccupations d'ordre économique et politique liées notamment au souci du bien-être des enfants dans un contexte d'un taux d'activité à temps plein assez élevé des femmes en France . Il s'appuie sur le constat d'un changement dans les aspirations des parents qui disent souhaiter passer plus de temps avec leurs enfants, et plus largement mieux « concilier » vie professionnelle et vie privée. Cette revendication traditionnellement plutôt portée par les femmes semble se diffuser chez les jeunes hommes, et ce dans toutes les catégories sociales. Si l'évolution des discours est sensible, tous les jeunes salariés sont-ils porteurs d'une réelle transformation des modèles d'égalité ? Que dire des pratiques réelles d'articulation vie privée-vie professionnelle des salariés les plus qualifiés, confrontés à des normes de carrière construites au masculin-neutre ? Ceux et surtout celles qui tentent de contourner ces normes dominantes de carrière ne sont-ils pas pris au piège d'une individualisation des stratégies de conciliation ? Telles sont les questions que nous souhaitons aborder en nous appuyant sur une enquête qualitative et quantitative menée entre 2005 et 2007 auprès de la population des cadres dirigeants et à potentiel d'une grande entreprise du secteur de l'énergie. Cette recherche financée en partie par l'entreprise s'inscrit dans le contexte d'une politique affichée de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité, dont l'un des axes du récent accord égalité professionnelle signé est une meilleure « articulation entre les temps de vie »