La confidence empêchée ou comment rester une jeune fille rangée : les Mémoires de Simone de Beauvoir

International audienceA la lecture des Mémoires d’une jeune fille rangée dans lesquels Simone de Beauvoir raconte son enfance et son adolescence, on peut s’étonner de l’importance donnée non pas tant au récit de confidences qu’à la description et à l’analyse des circonstances dans lesquelles les confidences échangées, notamment avec sa sœur, avec sa meilleure amie ou avec le cousin dont elle est amoureuse, sont empêchées, différées ou limitées, comme s’il y avait un danger à se confier librement. Simone de Beauvoir prête une attention particulièrement aiguë aux paramètres relationnels et situationnels qui, dans la conversation, dans la lettre et dans le journal intime, s’opposent à la réalisation entière d’une confidence, et notamment aux différentes stratégies — telles la censure du courrier ou la présence continuelle de tiers entre leurs filles — par lesquelles les mères tentent d’en circonscrire la réalité et d’en contrôler les effets. L’analyse de quelques scènes de dialogues précisément rapportées par l’auteur permettra de dégager, en creux, les conditions qui permettent, dans l’interaction, l’échange des confidences. Les commentaires de l’auteur sur les difficultés rencontrées dans le dialogue font apparaître que la confidence donnée ou reçue — surtout au moment où l’on prend conscience, rétrospectivement, de ses échecs — conduit à une connaissance de soi non par l’expérience d’une transparence, mais au contraire par celle d’une opacité aux autres comme à soi