La poésie de Guy Goffette : une intimité anonyme

International audienceL'oeuvre du poète contemporain Guy Goffette , placée sous le signe de Verlaine et de Rimbaud , interroge, ou plu-tôt parcourt l'espace laissé vacant par le refus de la domination d'un sujet conçu comme substance et identité, inscrit dans la sphère psychologique individuelle. Évoquant le réel le plus quotidien, elle fait le choix du simple et du banal, qui construisent alors un espace habitable. Les titres des recueils – Solo d'ombres, Nomadie, Éloge pour une cuisine de province, Un Manteau de fortune – témoignent ainsi d'une double tension de l'oeuvre entre le parcours et le repli, l'extérieur et l'intérieur, que figure la maison d'exil. Plus encore, la cuisine de province, lieu de l'intimité devient l'espace même du don poétique – et de l'éloge – dans ce qu'il présente de plus humble, espace où le silence permet l'émergence d'une voix, aux modulations diverses. Entre absence et présence, le sujet poétique, dans l'oeuvre de Guy Goffette, réfracte ses multiples modalités d'inscription possibles, du choix de la non-personne au je affiché, devenant tour à tour nous ou tu, au fil des poèmes. Et si le poète ne souhaite pas être rangé sous une de ces étiquettes […], néo-lyrisme, poésie du quotidien, si ses textes sont a priori disparates du point de vue énonciatif, un sujet poétique émerge cependant, en ces variations mêmes, de ces miroitements. Le discours se fait circulation de voix, susceptible de délimiter en retour un espace poétique. Il reformule la fonction d'accueil et d'adresse du poème, rendue possible par l'espace intime que devient le recueil. C'est donc aussi ce cheminement que nous souhaitons analyser ici, comme construction du sujet lyrique par son discours ou le croisement de plusieurs voix, mais encore comme construction d'un espace poétique ouvert par le mouvement même de l'émergence du sujet en devenir