La matérialité exposée. Les représentations du patrimoine et la construction de la problématique de sa matérialité

National audienceSi la matérialité préoccupe au premier chef les scientifiques et professionnels du patrimoine, elle n’est pas négligée dans dans la médiation du patrimoine, même si les dimensions symboliques, historiques et esthétiques priment généralement auprès du public. Cela vaut notamment pour les grands médias, qui sont des acteurs importants de la démocratisation du patrimoine et de l’éducation du public aux problématiques patrimoniales. La télévision, qui affectionne de plus en plus le patrimoine au fil de se son développement, n’a pas négligé la thématique de la matérialité. Ce sujet a même fait l’objet, à la télévision française, dans les JT et les magazines, de mise en images et de mises en scène originales recherchant l’attention du téléspectateur. Dans cette communication, je propose de donner un aperçu de la construction de la problématique de la matérialité du patrimoine au cours de la deuxième moitié du XXe siècle au travers de l’étude des programmes de télévision.La problématique de la matérialité est présente à chaque fois qu’est abordée la question de la conservation du patrimoine. La fragilité des artefacts patrimoniaux est un sujet de préoccupation pour les journalistes au point qu’il s’agisse d’un poncif des programmes de télévision sur le sujet. Quand le reporter Pierre de Lagarde crée en 1964 une émission titrée Chefs d’œuvre en péril, il est le premier journaliste à montrer à la télévision des monuments qui menacent ruine et à prendre la défense du patrimoine endommagé et menacé de destruction. Cette veine a ensuite été creusée par de nombreux journalistes car c’est un sujet sur lequel ils affectionnent de construire une intensité dramatique et même des polémiques. Autre exemple, la médiatisation du patrimoine naturel est indissociable de la thématique de la fragilité des milieux naturels, ainsi que l’a montré la première émission d’écologie à la télévision, La France défigurée (1971-1978). L’assimilation de la matérialité à la fragilité en fait un des ressorts habituels du discours télévisuel sur le patrimoine.C’est bien davantage dans les émissions qui explorent la dimension scientifique de l’étude et de la protection des oeuvres que la problématique de la matérialité est la plus sensible. Deux cas l’illustrent très bien : la série Les secrets des chefs d’oeuvre présentée de 1959 à 1974 par Magdeleine Hours, directrice du laboratoire du musée du Louvre, et un numéro de 1980 de l’émission de vulgarisation scientifique d’Antenne 2 Objectif demain. Ces deux productions mettent en lumière les méthodes, outils et professionnels qui permettent de préserver les oeuvres d’art. L’oeuvre d’art est présentée dans sa chair, une chair meurtre qu’il s’agit de soigner. L’altération du patrimoine, phénomène « naturel » sur lequel travaille le scientifique, est présenté à la télévision avec force dramatisation comme un processus alarmant. Ces émissions font alors l’éloge des compétences des scientifiques français qui sont capables de réparer même les oeuvres les plus abîmées.Il y a ainsi deux logiques à l’oeuvre dans la médiation de la matérialité à la télévision, une logique éducative et une logique médiatique, que je propose de mettre au jour