Penser la « ville en décroissance » : moteur pour nouvelles formes d’habiter les territoires. Retour sur six démarches de projet en France, en Allemagne et aux États-Unis

National audienceAujourd’hui, l’architecte-urbaniste doit faire face aux successives crises écologiques, socio-économiques et politiques marquant ce début du XXIe siècle et qui questionnent son rôle et la fabrique de la ville. Notre recherche porte plus spécifiquement sur la pratique du projet urbain dans les villes en décroissance (ou ville rétrécissante), plus connue sous le terme anglophone de shrinking cities. Ces contextes particuliers sont l’illustration même du déclin extrême de la société capitaliste auxquelles l’architecte comme l’urbaniste se retrouvent de plus en plus confrontés. Les multiples contraintes leur demandent de s’adapter et de se réinventer. Au début des années 2000, l’architecte-chercheur allemand Philipp Oswalt revendiquait l’idée que la ville en décroissance était le nouveau terrain de jeu pour explorer de nouvelles pensées architecturales et urbanistiques. Il le démontre à partir d’un travail de collecte d’expériences à travers le monde. Aujourd'hui, nous proposons d'inverser ce postulat et de nous poser la question suivante : quels enseignements pouvons-nous tirer de ces expériences pour notre pratique et imaginer la ville de demain ? De ce point de départ, notre hypothèse principale de travail est que ces nouvelles pensées architecturales et urbanistiques émergentes (concepts, langages architecturaux, formes urbaines, etc.) favoriseraient de nouvelles formes d’habiter les territoires (usages, modèles urbains, paysage, modes de vie, etc.). Trois hypothèses secondaires viennent alimenter le discours : - Le remodelage urbain serait une démarche fondamentale, générateur de nouvelles qualités spatiales et de nouvelles formes d’habitabilité ces territoires. Il participerait à l’adaptation du tissu urbain (résilience) face aux nouveaux enjeux démographiques et à l’occupation réelle de l’espace par les habitants et les activités, ainsi qu’à la redéfinition de l’environnement urbain pour qu’il soit habitable et vivable pour la population restante. - Il s'agirait d'une opportunité pour réfléchir à la manière de penser et de gérer les espaces “vacants”. Ceci permettrait une amélioration de l'environnement urbain et de la qualité des sols et favoriserait un changement de paradigme dans la conception et perception du « vide » en milieu urbain et dans le paysage, en redéfinissant le statut et les usages de ces espaces. Ces démarches seraient ainsi porteuses d’une nouvelle forme de gestion urbaine plus raisonnée. - Les contraintes liées aux contextes en décroissance demandent à l’architecte-urbaniste de trouver des alternatives à la fois sur le plan économique, technique et humain pour aboutir à la réalisation du projet et à sa pérennité dans le temps. Elles conduiraient ainsi à envisager le processus de projet différemment et à développer de nouveaux outils permettant la mutation de la ville à court terme comme à long terme. Pour construire notre argumentaire, le projet urbain a été placé au cœur de la recherche. Il se base ainsi sur une analyse de six démarches dites « innovantes », théoriques et réalisées, illustrant les pratiques de remodelage urbain dans différentes villes en décroissance depuis ces vingt dernières années. Ces cas d’étude sont situés dans des tissus urbains différents (habitat dense en centre-ville et dans les bourgs ruraux, grands ensembles, habitat pavillonnaire) pour montrer la diversité des terrains auxquels nous pouvons être confrontés. En parallèle de deux cas français (Saint-Etienne, Livradois-Forez), nous observerons d’autres expériences dans deux contextes étrangers, précurseurs en termes d’initiatives locales et de politiques urbaines : l’Allemagne (Halle-Neustadt, Dessau) et les États-Unis (Detroit). La diversité des projets en termes d’approche et d’échelle ne permet pas de conduire une étude comparative. Plus adapté à notre démarche, nous proposons leur mise en discussion pour comprendre l’impact du cadre politique, socio-économique et de l’environnement urbain sur le processus de projet ainsi que la capacité de ces projets à amorcer une transformation du tissu urbain (parcelle, bâti, usages, paysages, etc.) et de la ville. La recherche se veut ainsi prospective et cherche à enrichir les réflexions tant sur le devenir de ces territoires que sur la capacité de résilience de la ville.Dans le cadre de ces journées doctorales, nous avons décidé de revenir sur notre méthode de travail. Nous montrerons dans un premier temps l’évolution de la recherche depuis février 2013, date de notre première présentation à l’ENSAG. Ensuite, nous présenterons les six cas d’étude et la manière dont nous les analysons et exploitons pour construire le discours. Nous nous concentrerons sur le cas particulier du plan-guide paysager de Dessau pour présenter les outils mis en œuvre pour comprendre et analyser les projets : sortie de terrain, entretien, redessin, photomontage, organigramme, etc. Ceci permettra de revenir sur la question des différentes sources documentaires, le rapport entre la production écrite et les réalités sur le terrain, la rencontre avec le concepteur, mais aussi sur les difficultés rencontrées pendant la durée de la thèse comme l’accès aux informations et la barrière de la langue