Un texte sans titre

Contribution au colloque "L'orientalisme désorienté ? La Turquie contemporaine au miroir des approches postcoloniales" (Rennes, Institut d'études politiques, 28-29 janvier 2010)International audiencePour être impériale, la situation ottomane est-elle coloniale ? Le plus souvent, c’est à un autre type d’empire que l’adjectif ottoman sert d’épithète : les domaines bien gardés du sultan sont comparés au continuum continental des Habsbourg d’Autriche ou de la Russie moscovite puis Romanov, plutôt qu’au saut transocéanique des conquérants-colonisateurs hollandais, britanniques ou français. Par une sorte de transfert métaphorique, néanmoins, la culture coloniale de ces derniers s’est trouvée resituée en contexte ottoman : la seconde moitié du XIXe siècle verrait la naissance d’un « impérialisme » ou d’un « Orientalisme » à l’ottomane.Mettre en perspective ce transfert historiographique, d’un empire à l’autre : tel est le propos principal de la contribution proposée ici. L’enquête porte sur les archives de l’administration ottomane, et des différents cercles qu’elle dessine dans ses provinces. Oui, ces archives sont traversées de certains accents « impérialistes », qui corroborent la théorie de l’Orientalisme ottoman. Je suggère néanmoins qu’ils peuvent s’inscrire, aussi bien, dans un autre espace-temps que celui-là. Il y a bien un jeu sur les mots de la culture civilisatrice, mais ce n’est là nul décalque orientaliste, et moins encore un gambit occidentaliste. En somme, il s’agit de comprendre non seulement les titres dont l’empire se pare (ou est paré), mais aussi comment il est parlé, encodé en situation : lisons son texte sans titre, pour tâcher d’y déceler une culture d’empire qui ne se laisse pas réduire à une logique unique de gouvernementalité