Quand les linguistes interviennent : écueils et enjeux

International audienceCet article, introductif à un numéro de revue portant sur la langue dans son contexte social, part du constat qu'un certain nombre d'interventions ayant des effets – en particulier sur le social – sont réalisées par des spécialistes des sciences du langage. Ces dernières proviennent de pratiques individuelles (réponses à des « demandes sociales », réponses à des appels d'offres, activités de conseil, d'expertise etc.), qu'elles soient rémunérées ou non. A côté de cet interventionnisme de fait, les sciences du langage dans leur majorité prônent un certain non-interventionnisme scientifique et n'ont pas entamé de réelle discussion sur ces pratiques individuelles.Or, elles posent un certain nombre de questions qui renvoient, pour certaines, à des problèmes plus généraux tels que, en linguistique de terrain, le rapport du chercheur à son terrain – ce dernier étant généralement abordé plus sous l'angle de la limitation de biais d'enquêtes qu'en reconnaissant l'implication des chercheurs sur leur terrain.Alors que d'autres disciplines, telles que la psychologie, sont devenues interventionnistes au cours de ces dernières décennies, se pose également la question de savoir quelles pratiques linguistiques peuvent être considérées comme des interventions. A l'inverse d'une position large exprimée par Blanchet (2000) qui considère notamment toute démarche sociolinguistique comme interventionniste, l'article argumente pour une utilisation plus restreinte du terme.S'appuyant sur une réflexion épistémologique engagée dans d'autres disciplines, et en ergonomie notamment, il entame enfin une discussion dans trois domaines :- la « demande » faite aux linguistes, qui justifie souvent les interventions, et le nécessaire travail de cette demande, son « instruction »- les différents types de positions instanciables, en tant que linguiste intervenant- enfin, les changements induits par ces interventions – en distinguant leurs résultats, leurs effets et leurs enjeux