Les observations mineures (rares ou uniques) sur les primates non humains peuvent apporter des informations majeures sur les perceptions et les structures sociales

National audienceNous interprétons les comportements des grands singes (chimpanzés, bonobos, gorilles et orangs-outangs) en fonction des observations qui se sont multipliées au cours des dernières décennies, soit en milieu naturel soit dans des parcs zoologiques. Le grand nombre des données publiées, permet d'aboutir à un consensus des chercheurs sur la structuration de la pensée de ces primates non humains, sur des points qu'aucun scientifique n'aurait osé exprimer avant la fin du vingtième siècle. Cela concerne en particulier la possibilité d'une réflexion sur le degré de conscience des autres dans un groupe de primates et sur la possibilité de comprendre ce que l'autre perçoit. En dépit de cette mise en perspective de la pensée des primates non humains, il reste cependant des points essentiels sur lesquels divergent les interprétations. Il nous semble que la difficulté de publier et de diffuser des observations uniques ou en faible nombre est actuellement un obstacle à une interprétation des perceptions qui va au-delà des différences entre l'humain et les autres primates. Un des domaines où sont apparues des difficultés d'interprétation à propos des comportements et des perceptions qui leur sont associés, a porté sur l'utilisation de plantes contenant des substances à effet pharmacologique par des chimpanzés, lorsqu'ils souffrent de certaines pathologies. Des observations exceptionnelles ont permis de guider la recherche en phytochimie, par exemple pour la découverte de saponosides à activité anti-parasitaires dans l'écorce de Albizia grandibracteata. En fait, la notion de 'zoophamacognosie' avait été introduite depuis fort longtemps, en fonction des choix alimentaires observés sur des mammifères et des oiseaux ; mais son implication et les vérifications expérimentales effectuées dans des cas rares ou exceptionnels a posé le problème de l'acquisition des connaissances et des interprétations par des singes anthropoïdes au sein de leurs structures sociales où l'observation des congénères permet d'accumuler de l'information. La notion d'empathie (pouvoir se penser à la place d'un autre) permet d'aller plus loin dans l'interprétation de comportements particuliers, avec cependant une limite posée par certains chercheurs sur la possibilité d'une perception d'un ensemble de règles qui correspondrait aux règles morales perçues par les humains dans un contexte culturel beaucoup plus élaboré. L'observation du non-respect de la 'réconciliation' --un comportement qui amène deux individus d'un groupe de primates à reprendre des contacts pacifiques très rapidement à la suite d'un conflit--, et les réactions extrêmes que cela provoque, a montré l'importance attribuée au respect de règles clairement définies. C'est du franchissement possible de ce seuil d'une perception consciente de comportements considérés comme admissibles dont nous discuterons, en fonction d'observations rares ou uniques qui permettent de comprendre comment se maintiennent les structures sociales