Action publique et société rurale dans la gestion des forêts marocaines : changement social et efficacité environnementale

Over the last two decades, the numerous failures of centralised politics which have been witnessed in the management of natural resources, as well as the mounting credi- bility of local, traditional, management doctrines, have prompted a number of countries to reorientate their modes of public intervention so as to involve these rural communi- ties in the implementation of new modes of environmental management. This is the case with Moroccan forestry management. Despite the recent succession of buzzwords, very little research has carried out a symmetrical analysis of the customary, community modes of management, and the practices of the forestry administration, and the relationship between them. In a depar- ture from the neo-institutionalist perspective, this thesis draws upon the strategic analy- sis of environmental management and the actor-network theory in order to construct an original research approach. This approach, on one hand, fixes as an external reference of the analysis the ecological quality of the ecosystems affected by the management; and on the other hand, it tries to identify the various mediators linking the different sites in which forestry resources management is negociated and carried out. On the basis of considerable empirical research, this thesis will first demonstrate how the Moroccan Forestry Administration has selectively reinterpreted the injunctions to participation and to community management, brought to an international level, in an attempt to reinvent its relationship with rural populations. The administration is cur- rently attempting to organise them into associations in order to negotiate restricted ac- cess to natural resources in exchange for development operations. These associations are supposedly founded upon ancient tribal societies, with the aim of modernising these traditional institutions while at the same time using their legitimacy in matters of natural resource management. However, the thesis demonstrates how as- sociations, and tribal structures are two very different forms of collective, which coexist most of the time; the former cannot be considered to be a modern form of the latter. The negotiations conducted between the forestry administration and rural populations, via the constitution of these associations, gives rise to two distinct forums for negotia- tion: whilst the representatives of these associations negotiate new rules of access to forestry resources and development action, with forestry administration officers, the majority of farmers are continuing to exploit the forest in very much the same way as before, in particular, by informal arrangements with forestry administration fieldwork- ers. In this context of a forestry administration weakened in terms of its means, and its legitimacy, the real consequences on forestry resources management are limited, and the possibilities for improving the condition of forestry ecosystems appear to be frail.Au cours des deux dernières décennies, les constats d'échecs de nombreuses politi- ques centralisées en matière de gestion des ressources naturelles, associés à la montée en puissance des doctrines de gestion locale "!traditionnelle!" ont conduit de nombreux pays à réorienter leurs modes d'intervention publique pour chercher à s'appuyer sur les communautés rurales dans la mise en place de nouvelles formes de gestion. C'est le cas du Maroc dans le domaine forestier. Les mots d'ordre se succèdent, mais peu de travaux ont cherché à analyser de manière symétrique, les modes de gestion coutumière/communautaire et les pratiques de l'administration forestière, et leurs interrelations. S'éloignant d'une perspective néo- institutionnaliste, la thèse présentée ici puise dans l'analyse stratégique de la gestion envi- ronnementale et la théorie de l'acteur-réseau pour construire une démarche de recherche originale. Celle-ci fixe, d'une part, comme référent externe à l'analyse l'état des écosys- tèmes sur lesquels la gestion agit!; elle s'attache, de l'autre, à mettre en évidence les mé- diateurs qui relient les différents sites dans lesquels la gestion des ressources forestières est négociée et mise en œuvre. Sur la base d'un important travail empirique, la thèse montre comment l'administration forestière marocaine a réinterprété de manière sélective les injonctions à la participation et à la gestion communautaire portées au niveau international, en cher- chant à renouveler son rapport aux populations rurales. Après avoir longtemps considé- ré ces populations comme incapables de gérer rationnellement les ressources forestières, l'administration cherche aujourd'hui à les regrouper au sein d'associations afin de négo- cier avec elles des restrictions d'accès et d'usage des ressources contre des opérations de développement. Ces associations sont supposées se fondre dans les anciennes tribus, dans l'objectif de moderniser des institutions coutumières tout en s'appuyant sur leur légitimité en matière de gestion des ressources naturelles. La thèse montre cependant qu'associations et tribus sont deux formes de collectifs différentes qui coexistent la plupart du temps, et que les premières ne peuvent être considérées comme des formes de modernisation des se- condes. Les négociations conduites entre l'administration forestière et les populations rurales, via la constitution de ces associations, donnent naissance à deux espaces de négociation disjoints!: tandis que les représentants des associations négocient avec les responsables administratifs de nouvelles modalités d'accès aux ressources forestières et aux actions de développement, la plupart des cultivateurs et éleveurs continuent à exploiter la forêt sans grands changements, notamment via des arrangements informels avec les agents de terrain de l'administration forestière. Dans un contexte où l'action de l'administration forestière, affaiblie en termes de moyens et de légitimité, n'a que des conséquences limitées sur la gestion concrète des ressources forestières, les possibilités d'améliorer l'état de certains écosystèmes forestiers ayant fortement régressé apparaissent ainsi ténues