Les gens de couleur à Bourbon et à la Réunion entre la fin de l\u27Ancien Régime et l\u27Empire

Les lois reconnaissant aux maîtres la faculté d\u27affranchir leurs esclaves leur procurent la possibilité de récompenser les bons services de leur main d\u27oeuvre forcée, d\u27encourager celle-ci à accomplir ses devoirs avec zèle et de nourrir en elle une certaine émulation. Jusqu\u27en 1723, conformément à l\u27édit de mars 1685 rédigé pour les colonies d\u27Amérique, mais appliqué aussi dans les Mascareignes faute de décision royale spécifique, le maître affranchit quand il veut, qui il veut, sans attendre une quelconque sanction administrative. Compte tenu des abus possibles engendrés par l\u27exercice de ce pouvoir illimité et des nuisances éventuelles causées à l\u27ordre public, l\u27autorité royale décide en 1723 d\u27affirmer ses souhaits en la matière. Elle ne retire pas aux maîtres la faculté de formuler la demande d\u27affranchissement, mais elle attribue à l\u27autorité administrative le droit de l\u27accorder ou non. Tel est l\u27objet des articles 9, 49 et 50 des Lettres patentes concernant les esclaves des îles de France et de Bourbon. À la toute fin de l\u27administration de la Compagnie des Indes, l\u27autorité royale fixe de nouvelles règles et bride un peu plus les maîtres, afin d\u27empêcher les abus de leur part. L\u27affranchissement doit alors être sanctionné par une permission écrite sans frais par le gouverneur général et de l\u27intendant des deux îles. Un mois plus tard, l\u27ordonnance royale du 25 septembre 1766 rappelle la nécessité de l\u27autorisation préalable de ces administrateurs pour que l\u27affranchissement soit légal. Elle consacre en outre le droit des tiers de s\u27opposer à l\u27affranchissement et même de faire trancher les litiges par les tribunaux. Cette loi vaut à Bourbon jusqu\u27en 1793. Compte tenu de la législation en vigueur de 1767 à 1810, notre propos vise à déterminer d\u27abord le poids des Libres de couleur à l\u27île Bourbon à la fin de l\u27Ancien Régime, à voir ensuite l\u27évolution de leur situation propre sous la Révolution et l\u27Empire, c\u27est-à-dire leurs espoirs et leurs craintes, et enfin à évoquer les stratégies mises en oeuvre pour réussir leur parcours