Prosodie non-structurale et plurisémie

L’article a comme objet à la fois d’interroger la place de ce que nous nommons « prosodie non-structurale » (et « prosodie lexicale libre » quand celle-ci est lexicalisée) dans l’étude de l’interface sémantique/pragmatique, et de montrer que celle-ci condamne définitivement les conceptions linéaires de l’interprétation (Grice, Sperber et Wilson, Borg). Après avoir défini PNS et PLL, il démontre, à l’aide d’exemples authentiques mais qui sont aussi prosodiquement des paires minimales, la dimension plurisémique de l’interprétation linguistique, le choix de ce type de données permettant à la fois d’isoler de façon incontestable le rôle de la prosodie dans l’interprétation et d’éviter les problèmes sémantiques liés au caractère artefactuel des paires minimales. Est ainsi prouvé que PNS et PLL sont des contraintes proprement linguistiques pesant sur l’interprétation, et qu’il est possible d’inscrire dans une théorie générale des descripteurs sémantiques celle des descripteurs prosodiques isolés, et que l’impossibilité d’ignorer leur existence impose une modélisation non linéaire et non modulaire de l’interface sémantique/pragmatique qui reconnaisse que les contraintes prosodiques se situent en amont de tout le processus interprétatif et pèsent aussi bien sur l’interprétation de ce qui est dit que sur l’interprétation de ce qui est dit de ce qui est dit.Non-structural prosody and plurisemy. The paper aims at questioning the role of “non-structural prosody” (and its lexical counterpart “free lexical prosody”) in the study of the semantic/pragmatic interface, and at showing that such a role condemns and dismantles the linear approach to interpretation defended, among others, by Grice, Sperber and Wilson and Borg. After defining NSP and FLP, it shows, using authentic examples which are also prosodic minimal pairs, the truly plurisemic dimension of linguistic interpretation. It also shows that it is only with this type of data that: i) the role of prosody in interpretation can be proven; ii) it becomes possible to avoid the interpretatively artefactual nature of the non-authentic minimal pairs. Leading to the conclusion that NSP and FLP are truly linguistic constraints on interpretation, and allowing their modelization within a general theory of semantic descriptors. It is then shown that the impossibility to ignore the existence of NSP and FLP imposes a non linear and non modular modelization of the semantic/pragmatic interface, with a capacity to acknowledge the fact that prosodic constraints are, within the interpretation process, upstream constraints which play simultaneously a leading role in the interpretation of both “what is said” and “what is said about what is said” (and hence “what is communicated”)