Comment on devient (ou pas) un grand théologien

Cet article explore les liens entre savoir théologique et organisation sociale dans la Compagnie de Jésus en étudiant le cas de Théophile Raynaud et de plusieurs théologiens de sa génération au milieu du XVIIe siècle. L’historiographie de la Compagnie de Jésus a très peu tenu compte de la manière dont l’ordre du savoir théologique constitue une loi d’airain qui structure les parcours individuels et la hiérarchisation sociale à l’intérieur de l’ordre. Paradoxalement, la théologie apparaît comme une carrière par défaut au moins autant déterminée par l’incapacité au gouvernement que par le talent théologique de celui qui y est institutionnellement consacré. À ce moment cependant, et en raison de la force du lien entre logiques sociales et statut du savoir théologique, la position acquise par un théologien d’envergure lui assure encore une assise sociale forte.How one becomes (or does not) a great theologian. Careers path in the Jesuit province of Lyon in the 17th century. This article explores the links between theological knowledge and social organization in the Society of Jesus by studying the case of Théophile Raynaud and several theologians of his generation in the mid-seventeenth century. The historiography of the Society of Jesus has paid little attention to the way in which the order of theological knowledge strongly informs individual paths and social hierarchization within the order. Paradoxically, theology appears to be a career by default at least as much determined by the incapacity to govern as by the theological talent of the one institutionally devoted to it. At this point, however, and because of the strong link between social logic as well as the status of theological knowledge,in the 17th century, the position acquired by a prominent theologian still provides him with a strong social foundation.