Qu’est-ce qui fait rire Jean Chrysostome ?L’usage du rire dans les Homélies sur l’Évangile de Jean

En dépit de sa radicalité, l’affirmation selon laquelle le Christ n’aurait jamais ri n’appuie pas chez Jean Chrysostome une condamnation totale du rire, et le prédicateur n’hésite pas à en faire lui-même usage pour les besoins de la polémique. L’enquête, menée dans le corpus des quatre-vingt huit Homélies sur l’Evangile de Jean, décèle trois fonctions du rire : il sert la condamnation morale des vices en mettant en lumière ce qui est indécent (aschèmôn) ou en le situant à sa juste place, éventuellement contre les conventions sociales ; il permet de couper court à des réfutations trop longues en réunissant dans un même ensemble qualifié d’illogique ou d’absurde (alogos, atopos) les positions éventuellement multiples des adversaires, afin de concentrer l’assistance sur l’unité et la construction même de la communauté. Inversement, la représentation de l’adversaire comme riant à l’annonce de l’Évangile permet de le mettre à distance en soulignant sa posture de non réceptivité. Cette utilisation éventuellement simplificatrice du rire s’explique en partie par la conscience qu’a le prédicateur de la fragilité de son auditoire et constitue une facette de plus de la célèbre « condescendance » (synkatabasis) chrysostomienne.While being the first to assert that Christ never laughed, John Chrysostom does not condemn laughter itself. Moreover, he does not hesitate to use laughter when he engages as a preacher in a theological controversy. An enquiry into the eighty-eight Homilies on the Gospel of John shows three functions of laughter in his preaching: first, laughter contributes to the moral condemnation of vices while showing what is indecent (aschèmôn), or relocating the latter to its proper place, even against social conventions; second, it allows the writer to truncate refutations which would otherwise be too long, while gathering the multiple positions of his adversaries into a single absurdity so that the audience concentrates on what unifies the community; and, conversely, laughter, presented as the adversary’s response to the Gospel, highlights his non-receptivity. We can explain Chrysostom’s use of reductionist laughter by the fact that he is very conscious of the fragility of his audience. In this sense, laughter is an aspect of the well-known “condescension” (synkatabasis) of John Chrysostom