Entre théorie et pratique : la notion de concert chez Mersenne

International audienceÀ la lecture de l’Harmonie universelle, on est frappé par l’emploi d’un terme récurrent, a priori familier à nos oreilles musiciennes : au fil des pages, le « concert » nourrit les considérations théoriques de Mersenne mais également de nombreuses remarques sur la pratique musicale. Tout au long de son traité, le minime met en balance deux manières de composer, que ce soit pour les voix ou les instruments, en « simple récit » et en « concert », opposant le « chant » monodique, à un seul musicien, à une polyphonie exécutée par une « assemblée de musiciens » (Furetière). De par sa signification symbolique et théologique, qui à ses yeux justifie sa primauté sur les « simples récits », le « concert » est d’abord pour lui un objet théorique, régi dans ses caractéristiques mêmes par des lois naturelles, rationnelles et mathématiques, qu’il s’attache à démontrer tout au long de son traité. Mais il reconnaît aussi dans le « concert » la manifestation d’une expérience, d’une performance, qui l’incite à aborder, de manière plus ou moins hasardeuse, des questions de pratique musicale : son « Traité des instruments de musique », notamment, est riche de remarques sur l’exécution du « concert ». Objet spéculatif, car manifestation la plus évidente du « grand concert de l’univers » et de son harmonie, le « concert » constitue en conséquence pour Mersenne l’empreinte emblématique de la pratique musicale du temps, et c’est à travers lui qu’il en aborde les grandes questions, comme celles des différents « concerts » possibles selon la nature des instruments et leurs propriétés, du mélange des voix et des instruments, de l’ornementation, ou encore celle des lieux, de leur architecture, de la disposition idéale à l’audition de ce « concert » qui pourra ainsi, au-delà du plaisir de l’oreille, produire les fameux « effets » antiques auxquels le minime reste très attaché. Mais dans cette quête de l’idéal, Mersenne, on le sait, reste à tout moment rattrapé par la tentation théorique. L’enquête nous portera donc également à nous interroger sur la nature même de ses remarques pratiques, sur leur validité et leur réalité et, en fin de compte, à évaluer ce que la lecture de l’Harmonie universelle nous apprend réellement sur la pratique musicale du temps