Le déploiement des ENT dans l’enseignement supérieur français : quel e-learning pour quelle professionnalisation ?

Depuis une dizaine d’années, un certain nombre d’universités françaises déploient leur propre ENT (Espace Numérique de Travail) et développent des ressources pédagogiques en direction des étudiants. La stratégie dominante consiste à mettre en œuvre une politique d’enseignement dit présentiel enrichi, à côté d’une offre d’enseignement à distance déjà existante et structurée. L’émergence de ces ENT peut s’interpréter comme la dernière couche en date d’une lente intégration des TIC, après le C2i, la FOAD et les campus numériques et comme l’institutionnalisation de l’e-learning dans l’enseignement supérieur français. En effet, les autorités universitaires justifient le déploiement de ces ENT et les incitations à leur exploitation par les enseignants-chercheurs avec des arguments de professionnalisation, selon lesquels les étudiants-usagers développeront des compétences d’usages des TIC utiles à leur futur environnement professionnel par l’usage qu’il feront de la plateforme pédagogique mise en place. C’est à la fois tout à fait juste et tout à fait limité, car les contenus à la disposition des étudiants ne sont pas plus professionnalisants que les enseignements qu’ils reçoivent, notamment dans les formations dites professionnelles. L’idée que nous développons ici est qu’il ne peut y avoir de véritable apprentissage avec des ressources en ligne, et donc de véritables visées professionnalisantes, que si les contenus accessibles sont scénarisés de manière compatible avec les fonctionnalités de la plate-forme pédagogique choisie. Si Moodle tend à s’imposer pour sa communauté de développeurs et sa modularité, la médiatisation des ressources est susceptible de provoquer de nombreux conflits instrumentaux qui sont autant d’obstacles à l’acquisition de nouvelles connaissances. Nous décrivons la nature de ces difficultés et montrons comment une démarche d’ingénierie pédagogique peut en éviter certaines