Sortir de la guerre et de l’occupation militaire : libéraux, libérateurs et révolutionnaires à Naples dans l’après-1815

Dans une perspective résolument inscrite dans la nouvelle histoire du Risorgimento et à la suite de plusieurs travaux qui ont appliqué le thème des « sorties de guerre » aux lendemains du Premier Empire en France et en Europe, il s’agit de proposer une lecture des reclassements postérieurs à la restauration des Bourbons à Naples, qui marque la sortie du système napoléonien. Reprenant les conclusions d’un mémoire de maîtrise préparé sous la direction de Gilles Pécout, il s’agira de développer trois aspects : – La tentative du roi Murat d’extraire le royaume de Naples de la double tutelle napoléonienne et autrichienne, dans un contexte marqué à la fois par le retournement des patriotes européens contre Napoléon et par le retour au pouvoir de ce dernier en France au moment des Cent Jours. Par la proclamation de Rimini du 30 mars 1815, Murat appelle à l’indépendance italienne et à la Constitution et entre ouvertement en guerre contre l’Autriche ; – Les itinéraires professionnels, politiques et idéologiques des anciens officiers et fonctionnaires de Murat dans la période 1815-1820. Les référentiels constitutifs de leur culture politique s’écartent de ceux utilisés par Murat. Ainsi, le scénario de sortie de guerre que proposait Murat en 1815 fait l’objet d’une relecture libérale, instruite des événements révolutionnaires contemporains (espagnols notamment) ; comme dans l’Espagne du Triennio révolutionnaire, il s’agit d’établir à Naples une monarchie constitutionnelle libérale qui compose avec le gouvernement bourbon, reconnu légitime ; – Une étude de la mémoire et de l’héritage de Murat dans le plus long terme de l’histoire italienne préunitaire. Les vétérans muratiens, qui se retrouvent souvent en situation d’exil après l’échec de la révolution libérale en 1821, produisent des écrits divers qui, sous couvert de prétentions historiennes, procèdent de l’écriture de la justification. Cet examen de la révolution napolitaine comprise dans le long terme d’une histoire de la modernisation libérale amorcée par Murat leur permet de réhabiliter la figure de Murat et le motif de la proclamation de Rimini. Ceux-ci deviennent une matrice de leur pensée et de leur action révolutionnaires : leurs expériences de l’exil permettent la prise de conscience des insuffisances de la stratégie muratienne. Au contact d’autres libéraux exilés, ils s’engagent dans des luttes libérales à caractère transnational et envisagent des théories de l’éducation du peuple au libéralisme et à la révolution et de la place de l’armée dans les mouvements de libération. Relu de manière critique, pallié dans ses insuffisances, un scénario de sortie de guerre permet de penser la fin d’une occupation militaire pensée comme un combat contre l’ennemi.Delpu Pierre-Marie. Sortir de la guerre et de l’occupation militaire : libéraux, libérateurs et révolutionnaires à Naples dans l’après-1815. In: Sortir de la guerre. Actes du 136e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, « Faire la guerre, faire la paix », Perpignan, 2011. Paris : Editions du CTHS, 2013. pp. 9-18. (Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, 136-5