Jean Guéhenno (une vision de l'histoire, 1919-1939)

L'oeuvre de journaliste de Jean Guéhenno (1890-1978), déjà étudiée pour les périodes d'exercice à Europe (1929-1936) et à Vendredi (1935-1938), mérite d'être appréciée sur l'ensemble de cet entre-deux-guerres, pour la vision de l'histoire qu'elle propose et parce qu'on y voit se dessiner la thématique fondatrice de Caliban, qui est une thématique de l'affranchissement. Elle épouse étroitement les préoccupations de l'époque dont elle est un miroir : elle témoigne de la liquidation de la guerre, tant au plan diplomatique qu'au plan spirituel, mais elle retrace aussi l'engagement et les difficultés d'un pacifiste confronté à la montée du fascisme et du nazisme, à la guerre d'Éthiopie, à la guerre d'Espagne et aux difficultés du Front populaire, vécu comme l'avènement messianique d'une lueur à l'Ouest. L'âpreté de l'engagement politique (il est contraint de céder du terrain sur le pacifisme juridique wilsonien ; il vit durement les contradictions du soutien à une formation politique pendant la guerre d'Espagne ; il répugne, par solidarité, à combattre frontalement le bolchévisme, mais doit dénoncer les procès de Moscou), n'en fait pas un partisan aveugle ; cet humaniste plaide pour l'individu, non pour l'individualisme. Cette oeuvre souligne la présence chez lui d'une mystique qui transcende les objectifs politiques immédiats, et met en lumière le talent du journaliste de combat.AIX-MARSEILLE1-BU Lettres (130012101) / SudocSudocFranceF