Infections urinaires à pseudomonas aeruginosa (quelles spécificités ?)

Pseudomonas aeruginosa, pathogène opportuniste, est impliqué dans de nombreuses infections, en particulier nosocomiales, et dans la colonisation chronique pulmonaire des patients atteints de mucoviscidose. Bien qu'occupant la 3ème place des infections urinaires associées aux soins, les infections urinaires à P. aeruginosa (IUPA) sont peu décrites dans la littérature. A contrario, Escherichia coli constitue l uropathogène de référence, en cause dans la plupart des infections urinaires (IU). L'objectif de l'étude était de décrire les spécificités clinico-biologiques des IUPA en les comparant à des infections urinaires à E. coli (IUEC). Patients et méthodes. Dans cette étude rétrospective monocentrique menée du 01/01/2011 au 31/05/2013 dans tous les services de médecine, de chirurgie et de réanimation du CHU de Rouen, tous les patients ayant les critères cliniques et biologiques d une IUPA ou d une IUEC étaient inclus. Une sélection par tirage au sort de 100 IUPA, puis un appariement par genre avec 100 IUEC étaient réalisés pour analyse comparative. Résultats. 130 patients avec une IUPA et 819 patients avec une IUEC ont été hospitalisés durant la période de l étude. L'âge moyen était de 69 ans. Le sex-ratio était de 3,2 pour les IUPA et de 0,5 pour les IUEC. Les patients avec une IUPA étaient plus dépendants (score ADL de 4 vs 5 pour les IUEC) et présentaient plus de comorbidités (score de Charlson de 7,9 vs 5,4). En analyse univariée, les facteurs favorisant d'IUPA étaient : une hospitalisation 6 mois (OR 5,9 ; p 0,001), une antibiothérapie 6 mois (OR 8,7 ; p 0,001), un cathéter urinaire (DMU) (OR 22,8 ; p 0,001), un ECBU positif 3 mois (OR 3,8 ; p 0,001), un geste urologique 3 mois (OR 3,4 ; p 0,001). 92 % des IUPA étaient associées aux soins (vs 27 %, p 0,001). Après régression logistique, une hospitalisation au cours des 6 mois précédent, un dispositif de drainage des urines et une hospitalisation pour un autre motif qu une IU étaient prédictifs d'IUPA. Lorsque ces 3 conditions étaient réunies, la probabilité de présenter une IUPA était de 99 %. A l exception de bactériémies moins fréquentes (25 % vs 6 % pour les IUEC ; p 0,001), aucune particularité clinico-biologique des IUPA n était identifiée. Un tiers des souches de P. aeruginosa et 13 % des souches d'E. coli (p 0,01) étaient multirésistantes. L'antibiothérapie probabiliste des IUPA était inadéquate dans 36 % des IUPA et 22 % des IUEC (p 0,01). Les patients avec une IUPA avaient une durée d'hospitalisation plus longue (41 jours vs 13 jours, p 0,001), et un risque de mortalité 21,7 fois supérieur (p 0,01). Conclusion. Les IUPA, au 3ème rang des IU liées aux soins peuvent être considérées comme opportunistes. Elles surviennent principalement chez des hommes âgés, aux nombreuses comorbidités. Le recours à un dispositif de drainage des urines, une hospitalisation 6 mois, et une admission pour un autre motif que l IU sont des facteurs prédictifs indépendant d IUPA. Reflet d un terrain altéré, et difficiles à traiter, les IUPA sont associées à une mortalité 22 fois supérieure à celle des IUEC.ROUEN-BU Médecine-Pharmacie (765402102) / SudocSudocFranceF