Économie et patrimonialisation : la construction des appropriations du vivant et de l’immatériel

La convention sur la préservation des patrimoines culturels immatériels invite à une définition largeet englobante de la notion de patrimoine. Le patrimoine s'apparente à une mémoire collectiveformée par l'ensemble des savoirs techniques et relationnels propres à un groupe social ou unecommunauté. Cette mémoire est vivante : elle invite à considérer le patrimoine autant commecapacité de projection dans l'avenir que comme ancrage dans le passé. C'est une ressource partagéequi permet aux individus et aux groupes de se situer dans leur environnement temporel, naturel etsocial. C'est également une mémoire appropriée collectivement : un point de vue qui nous conduitsà centrer notre attention moins sur les patrimoines en tant que tels mais bien plutôt sur le processusde patrimonialisation dans lesquels se construit l'appropriation collective du patrimoine. Cettepatrimonialisation peut prendre la forme d'une valorisation marchande, notamment dans le cadredes certifications de l'origine. Nous nous intéresserons à une communauté d'éleveurs isolés au coeurdes Sierra de Jalmich (Occident mexicain) engagée dans une procédure infructueuse dequalification d'un fromage « pastoral ». Nous montrerons que le projet officiel (l'État et l'institut encharge des dossiers de qualification) s'inscrit dans une démarche dissociative de déconstruction etd'accaparement patrimoniaux. Ce projet tend à déposséder les producteurs locaux de leurs savoirstechniques et relationnels ainsi que de leur emprise sur le territoire. Les changements techniques,institutionnels et marchands qu'il institue conduisent à couper les liens qui rattachent le produit àson environnement naturel, culturel et socia