Quand la violence est l'expression corporelle de ce qui ne peut pas être dit. Ses différentes formes et les ajustements des postures professionnelles nécessaires. Un éclairage par la psychomotricité et l'anthropologie de la santé.

Doctoral. Le contexte social actuel (gilets jaunes) nous incite encore plus que jamais à envisager la dimension expressive de la violence. Mais nous devons d'abord sortir du pléonasme « expression corporelle » car fondamentalement, chaque fois qu'il s'agit de communication émanant d'un être humain il y a forcément un corps à l'origine du signal expressif. La parole, le dessin sont d'abord des gestes issus du corps. L'émotion, le ressenti émergent dans notre corps. La religion sépare le corps, l'esprit, l'âme tandis que chaque découverte scientifique nous révèle toujours plus de facettes, d'interfaces, de multiplicités d'expressions de ce que nous avons encore du mal à concevoir comme unité corps/esprit. Le postulat du Psychiatre Ajurriaguerra qui a décrit la débilité psychomotrice comme un tout, à l'origine du métier que j'exerce aujourd'hui, est de plus en plus confirmé. Lorsque que la violence se manifeste dans nos institutions c'est le corps des soignants et le corps des patients qui sont en interaction. Malgré toutes les procédures sophistiquées et les formations pointues en terme de gestion de l'agressivité les soignants doivent chaque fois inventer, s'ajuster à la violence qui les désarçonne. Je ne prétends pas apporter des techniques imparables mais plutôt proposer des angles de vue, des échappatoires qui réouvrent des possibilités de nommer les souffrances, de les dériver vers des modalités d'expressions en essayant de rassurer le patient sur le fait que nous avons reconnu son tourment et que nous lui proposons des perspectives de sorties de son isolement. Mais nous ne devrons pas oublier que la violence, paradoxalement, est constitutive de notre vie sociale et de notre naissance au monde. Corps et violence Le corps, c'est l'oeil du cyclone, l'origine des coordonnées, le lieu où se place et s'inscrit notre expérience. L'enfant, ne « comprend » pas d'emblée le langage de son corps intérieur. C'est l'interaction avec son environnement, au cours du maternage, qui va peu à peu lui permettre de décoder, d'utiliser sa voix et ses gestes pour communiquer et obtenir la satisfaction de ses besoins, découvrir la présence d'autres corps séparés du sien. Pour autant la différence intérieur : extérieur n'est pas une séparation, car ce serait oublier la multitude de réseaux, interfaces et sensorialités qui s'entrecroisent. 1 Le dualisme encore très prégnant au 20ème siècle provenait sans doute de la fameuse séparation corps bestial/âme angélique, sur laquelle sont bâties nos sociétés occidentales. Nos éducateurs et nos livres, ne mettent en scène que le corps héroïque, sensorimoteur régi par le système nerveux central : celui du logos et de l'action, qu'on nous enseigne à vénérer, à cultiver et laissent de côté le système neurovégétatif : l'autonome, le viscéral, l'involontaire, le dionysiaque qui sème le désordre, qu'on feint d'ignorer la plupart du temps, dans une espèce de déni nommé le silence des organes