L'habitat temporaire des Roms migrants entre mobilité et ancrage, expulsion, contrôle et integration, à travers le cas de Marseille et Turin

Dans une perspective spatiale, l’objet de notre communication porte sur l’habitat temporaire des Roms en situation précaire, souvent dits «Roms migrants», originaires de l’Europe centrale où des Balkans et migrants vers les villes de l’Europe occidentale (Legros, 2010), et notamment sur l’interaction entre les pratiques habitantes de ces populations, les politiques publiques qui leur sont adressées et les effets des transformations urbaines. D’auprès une recherche au sujet des processus de marginalisation socio-spatiale dans les villes de la Méditerranée , l’analyse porte sur les parcours des Roms migrants et leurs mobilités dans les marges et entre les marges urbaines, l’examen concernant les formes de «fabrication» de la ressource-marge et sa mobilisation. Au même temps, notre regard comprend les relations entre ces mobilités et les effets d’une part, de politiques paradoxales, tant de contrôle et de police que d’intégration sociale et de lutte contre la pauvreté, et d’autre part, des politiques urbaines, en montrant comment elles alimentent les processus de marginalisation dans les cas étudiés, à savoir les villes de Marseille et de Turin. Ces deux villes sont marquées aujourd’hui par des opérations de requalification et de mise aux normes internationales de nombreux quartiers. Dans les deux cas, les pouvoirs en place poussent les villes dans la compétition globale en encourageant l’attractivité des capitaux et investissements étrangers, et poursuivent des politiques de reconquête des marges, à travers des rénovations, l’implantation de grands équipements, la patrimonialisation et la mise en tourisme, qui induisent le déplacement de populations marginalisées ainsi que de nouvelles marginalisations. Les Roms migrants sont parmi les populations les plus affectées par ces processus et, en même temps, ceux qui, à travers leurs modalités d’appropriation des marges, vont mobiliser la ressource-marge, dans le champ des contraintes des politiques tant d’expulsion que d’hébergement et d’insertion. Si les Roms migrants ne constituent pas une population homogène, ayant des origines et des parcours migratoires très diverses, il est possible néanmoins d’identifier des convergences telles que l’installation dans les parties des villes moins valorisées (Revelli, 1999), voir les marges urbaines (Wacquant, 2007): bâtiments vides, friches industrielles, terrains vagues, qui peuvent se trouver dans le centre comme en périphérie. La précarité de ce type d’habitat est également un point en commune, en dépit de différentes formes qu’il peut assumer – caravanes, cabanes, tentes, squats, ou juste le trottoir – et de diverses niveaux d’ancrage – physique, sociale, économique – au territoire. Mais au delà des apparences, l’habitat sans ancrage est-il réellement tel? Ou plutôt, comme il nous semble, malgré la dite «temporalité» des habitations (légères, mobiles, éphémères), les pratiques habitantes sont bien ancrées au territoire, aux ressources locaux (spatiales, sociales, économiques, institutionnelles)? De leur côté, les politiques en direction des Roms migrants contribuent à des dynamiques paradoxales, à la fois exerçant contrôle, intégration sociale, expulsion. Dans ce point de vue, est-ce que l’ancrage (la «territorialisation de l’hôte»: Gotman, 2004) est-il synonyme d’intégration? Autrement dit, des stratégies politiques qui ne poursuivent pas d’expulsions, qui laissent les Roms rester dans les camps illicites, en leur accordant des services sociaux, de santé, d’accompagnement aux enfants, sont-elles réellement visées à l’intégration? Ou bien derrière ces-ci, se cachent-elles d’autres stratégies de contrôle, de maintenance d’un état d’exclusion, voir d’exception (Agamben, 2003), de non-autonomie, qui fait le pair avec celui des campi nomadi officiels? Temporaire, dans ce cas, ne signifie pas seulement «hors norme». De quelle norme parle-t-on? A travers les quelques réflexions issues des études des cas de Turin et Marseille, nous allons explorer les multiples aspects et significations de l’habitat précaire des Roms migrants, en mobilisant également la notion de «émergence permanente» (Sigona, 2005), déclinée ici plutôt comme «temporalité permanente», pour aboutir à terme à ce que «temporaire» peut signifier dans le domaine considéré