Alain Robbe-Grillet : un technicien du roman

L’art du vingtième siècle a perdu la simplicité. On constate une tendance toujours croissante, dans tous les domains de l’art contemporain, vers l’ésotérisme, vrs un art qui nécessite chez son public une sensibilite special. Tantôt les efforts de mystification faits pour ecarter la foule profane vont jusqu’à l’absurdité; tantôt, comme chez certains poètes surréalistes, la subjectivé du créateur domine au point de render son oeuvre totalement incomprehensible; et meme les manifestations les plus réussies de ce nouvel art – on pense par exemple à Joyce – donnent assez souvent dans l’obscurité. C’est un art, enfin, qui ne s’adresse plus au grand public. Dans la Déshumanisation de l’Art, publié en 1925, José Ortega y Gasset parle ce nouvel esprit qui s’affirme dans l’art Européen du vingtieme siècle, de ce mouvement “anti-populaire” qui, ne s’adressant qu’à une minorité specialiste et cultivés, dépasse tout à fait la mesure des masses. Or les généralisations sont toujours à craindre dans un domaine aussi vaste que celui de l’art; mais la distinction que fait M. Ortega entre l’art du dixneuvième siècle et celui du vingtieme siècle nous servira assez bien de point de départ. Acceptons donc cet apercu synthétique, sans oublier pourtant qu’il est impossible de tout enfermer dans une formula si générale