Le médicament et son double. Sociologie du marché français des médicaments génériques (1995-2009)

Cette thèse tente de montrer comment l’apparition d’une nouvelle forme de marchandise transforme en profondeur l’organisation du marché et les comportements des acteurs qui participent à sa circulation. Les médicaments génériques semblent en effet tout droit sortis de manuels de micro-économie : identiques dans leur essence aux médicaments originaux, ils ont été introduits en France par les pouvoirs publics pour permettre le développement d’une concurrence par les prix favorable aux finances de l’Assurance Maladie. Pourtant, loin d’aller de soi, le développement de ce marché a supposé une série d’interventions permettant de qualifier ces copies tant sur le plan thérapeutique que sur le plan économique. Ainsi, la mobilisation des pharmaciens et des médecins au service de ces médicaments n’a pas empêché ces acteurs et leurs patients de s’interroger sur l’équivalence entre ce « nouveau » médicament et leur médicament habituel auquel il prétendait se substituer. Comment en effet considérer comme identiques deux biens qui ne se ressemblent pas extérieurement ? Par ailleurs, la mise en avant de la différence de prix entre les médicaments est, elle aussi, problématique dès lors que les patients ne payent pas cette différence et sont remboursés intégralement par l’Assurance Maladie. Pourquoi dans ce cas favoriser le médicament le moins cher ? Oscillant entre appel au civisme et contrôle bureaucratique d’une part, intéressement et sanction financiers de l’autre, les pouvoirs publics ont tenté de (re)construire progressivement les contours des médicaments génériques mais aussi le rôle et les motivations des différents acteurs du marché (laboratoires, médecins, patients et pharmaciens). En retour, ces différents acteurs ont peu à peu (re)qualifié le médicament générique en fonction de leurs propres intérêts, jouant des règles étatiques pour favoriser ou limiter le développement du marché. Cette thèse incite donc à repenser le marché du médicament comme un lieu où dispositifs thérapeutiques, moraux et financiers se mêlent en permanence pour (re)définir sans cesse l’équivalence et (donc) la substituabilité entre les produits.Composition du jury : Président : Philippe Steiner, Directeur de la thèse : François Vatin, Rapporteurs : Franck Cochoy, Philippe Urfalino, Autres membres : Daniel Benamouzig, Claude Le Pe