Montée en qualification et perte de contrôle. Les restaurateurs de tableaux et leurs documents de travail

La restauration des œuvres d’art a connu d’importants changements dans la deuxième moitié du XXe siècle. À partir du cas du Service de restauration du musée du Louvre, nous étudions ici la transformation du travail des restaurateurs de tableaux. Les peintures conservées au musée du Louvre ont toujours été restaurées par des restaurateurs indépendants mais venant travailler dans un atelier spécifique et sous la responsabilité des conservateurs du musée – appelés ici conservateurs de collection – et des conservateurs administrant le Service de restauration – les conservateurs de la restauration. Bien que la structure étudiée soit de petite taille, on l’appréhende comme un « lieu professionnalisé » [Strauss, 1992] au sens où elle rassemble plusieurs occupations ou professions différentes travaillant ensemble au maintien ou à l’amélioration de l’état des tableaux. Le contexte de travail étudié n’est pas spécialement représentatif de la restauration telle qu’elle s’est développée en France. Il fait au contraire figure de pionnier, dès les années 1930, en matière d’innovation dans les pratiques et dans la régulation de l’activité : d’une part, avec la mobilisation croissante de documents optiques et d’analyses chimiques réalisés par le laboratoire associé au musée ; d’autre part, avec la mise en place d’un système d’agrément autorisant un nombre restreint de restaurateurs à intervenir sur les œuvres du musée, ce qui constitue un premier pas vers la fermeture du marché de la restauration des collections publiques advenue en 2002 avec la « Loi Musée