Méthodes et motivations derrière la collaboration et la résistance des informateurs secrets de la Securitate en Roumanie communiste (1945-89)

Les travaux de recherche pour la présente thèse s’appuient en grande partie sur les dossiers de la Securitate, conservés au Conseil national pour l’étude des archives de la Securitate, à Bucarest et à Popesti-Leordeni, en Roumanie. Ces travaux visent à expliquer les divers mécanismes de terreur mis en œuvre par la Securitate, la police secrète roumaine sous l’ère communiste, dans le but de recruter parmi la population des personnes pour alimenter son réseau de surveillance. Bien qu’examinant l’ensemble de la période communiste en Roumanie, la thèse se penche en particulier sur les deux dernières décennies du régime, durant le règne de Nicolae Ceauşescu, de 1965 à 1989, et introduit comme outils d’étude les notions de psuchegraphy et de dossierveillance, deux néologismes pour désigner les méthodes coercitives appliquées par la Securitate dans le but d’enrôler des informateurs et de s’assurer de leur collaboration. Le concept de psuchegraphy recouvre la collecte de données biographiques, permettant de consigner dans les dossiers de la Securitate suffisamment d’indices sur la personnalité, le caractère et les convictions profondes de personnes ciblées afin de cerner leurs points vulnérables et les forcer ensuite à une collaboration. Les présentes recherches démontrent que ce type d’analyse servait en quelque sorte de prélude au recrutement des membres du réseau de surveillance de la Securitate. Le concept dit de dossierveillance met en lumière le rôle de la technologie et de la documentation lié aux pratiques de surveillance pour le recrutement des informateurs et l’instauration d’un climat de terreur pour assurer le contrôle des populations. La composante dossier dans dossierveillance, amplement expliquée dans ces pages comme la technologie employée par la Securitate dans l’exercice de la surveillance de personnes ciblées, fut l’un des outils « disciplinaires » (Foucault 1975) les plus efficaces pour entretenir la crainte et de suspicion. Ces travaux présentent également les conséquences de l’application de tels mécanismes sur une nation, un phénomène appelé ici la banalisation du mal, d’après le concept de la banalité du mal avancé par Hannah Arendt dans son œuvre. Enfin, ce travail permet de revisiter le sujet de la lustration et de la justice transitionnelle, et d’examiner comment les nouvelles avancées universitaires énoncées dans ses pages peuvent contribuer à mieux comprendre et traiter le sujet de la collaboration en Roumanie dans un contexte postcommuniste.Working primarily with Securitate files, currently stored at the National Council for the Study of Securitate Archives (CNSAS), located in Bucharest and Popesti-Leordeni, Romania, this thesis explains the various terror mechanisms the Securitate, Romania’s secret police during the country’s communist period, employed in order to gain recruits and employ them as part of its surveillance network. Although the thesis discusses the entire communist period in Romania, it places significant emphasis on the last two decades of communism (1965-89), when Nicolae Ceauşescu was in power. This thesis introduces and discusses the following two concepts— psuchegraphy and dossierveillance—described herein as two terror methods applied by the Securitate to obtain informers and compel them to collaborate. The former mentioned concept entailed collecting biographical data Securitate’s targets that would give one sufficient clues about a person’s core beliefs, personality, character, and identity, all with the scope of getting to know that which Securitate referred to in its files as a person’s vulnerable points. This thesis shows that this kind of analysis was a precursor to recruitment of the members of the Securitate’s surveillance network. The latter aforemetioed method of terror stresses the role of technology and documentation in surveillance practices and their use for recruitment of informers and management of the population by maintaining it in a sense of dread and fear. The ‘dossier in dossierveillance, loosely defined in this thesis as the technology that the Securitate employed to place its targets under surveillance, represented one of the Securitate’s most effective “disciplinary” tools (Foucault 1975) through which it managed to instill fear in people. This thesis also describes the outcome of enforcing such mechanisms on a nation, amassing to a phenomenon described here as the banalization of evil, a term that builds on the work of Hannah Arendt on the banality of evil. Lastly, this thesis revists the subject of lustration and transitional justice and explores how the new scholarship discussed in the thesis may further contribute to understanding and treating the subject of collaboration in a post-communist context in Romania