Souvenir traumatique et mémoire salutaire: la bataille d’Azincourt chez les auteurs français du XVe siècle

International audienceCet article réfléchit à la manière dont le matériau historique, réélaboré par la littérature, entre dans un jeu de (re)construction mémorielle qui obéit à des enjeux partisans, moraux et polémiques. Une partie préliminaire rappelle l’importance de la mise par écrit des hauts faits militaires : en assurant la mémoire de la prouesse, l’écrit consacre la gloire des individus et déclenche l’émulation chevaleresque des jeunes générations. L’étude se concentre ensuite sur un événement capital de la guerre de Cent Ans : la bataille d’Azincourt (25 octobre 1415), qui se solda par une effroyable défaite des Français (pourtant très supérieurs en nombre) et mit à mal l’idéal chevaleresque. Il est donc particulièrement intéressant d’examiner comment les auteurs du camp français assument cet événement traumatique. La description plus ou moins circonstanciée de la bataille permet de dégager (parfois de masquer ou d’excuser) les faiblesses stratégiques des Français. Mais comment donner du sens à ce terrible échec ? L’analyse morale intervient pour relire l’événement à la lumière des péchés humains et du jugement de Dieu. On débouche ainsi sur une forme de sublimation du malheur, qui élabore une exemplarité paradoxale : la bataille est un "exemplum" à méditer pour se réformer et éviter de reproduire les mêmes erreurs (tel est le principe de la mémoire salutaire). Enfin, la "douloureuse journée" engendre un faisceau d’émotions qui se cristallisent dans le deuil des femmes