Les opérations métalinguistiques sur le texte d’une personne bilingue

The paper presents the traces of metalinguistic operations reflected in the process of translation into Polish (L2) performed by Zygmunt Krasiński, of two audiences in 1857 and 1858, that the Polish- -French bilingual author had with Emperor Napoleon III. Both audiences concerned the so-called Polish cause, la cause polonaise. They constituted a spoken discourse co-created by both participants of those communicative events, and their common code was the French language (L1). Napoleon III demanded strictly confidential audiences, however Krasiński, thanks to his outstanding bilingual competence, transferred the spoken discourse he memorized in extenso in L1, into the sphere of the Polish language (L2). The translations of the audiences, written down in statu nascendi, reveal the process of emergence of the target text in the genre of linguistic mediation. This process included the act of consolidating in Krasiński’s memory of a series of replies uttered in L1, and then the act of their translation, recording in L2 in the form of a text that is semantically equivalent to source dialogues. The translation of Napoleon III’s words, foreign words, and the auto-translation of Krasiński’s own words reflect metalinguistic operations which result from his bilingualism, i.e. from the fact that both French and Polish were his first languages. Metalinguistic operations result from interpretative relations that can occur between two languages which both inhabit the mind of a bilingual person, so that one language becomes the metalanguage for the other one. Krasiński realized the translations exactly as bilingual speech which contains explicit traces of his metalinguistic operations. They take the form of code switching, double language thinking, interference, and negotiation of common meanings in the situation where linguistic units of L1 and L2 differ. The translation of the audiences shows translation as a special type of Krasiński’s communication with the Polish national community: the transcript made them available to Polish recipients who did not know the French language. Simultaneously, Krasiński’s translation excluded from among potential recipients the speakers of French, as Polish was a language unknown to French elites in the 19th century, and in a sense was a secret language for them.L’article présente les traces d’opérations métalinguistiques qui apparaissent dans le processus de tra-duction en langue polonaise (L2) de deux audiences qu’effectua Zygmunt Krasiński Ces audiences furent menées en 1857 et 1858 ; les participants en étaient l’empereur Napoléon III et Krasiński lui- -même, écrivain bilingue, polonais et français Elles concernaient la Cause polonaise Le code com-mun du discours oral des deux participants fut la langue française (L1) Napoléon III exigea que ces audiences restent strictement confidentielles Toutefois, Krasiński, grâce à sa compétence bilingue exceptionnelle, rapporta le discours prononcé en L1 et qu’il avait gardé en mémoire dans son intégralité dans la sphère de la langue polonaise (L2) La traduction écrite des deux audiences, quasiment dès leur genèse, révèle le processus d’émergence du texte d’arrivée dans la catégorie de la médiation lin-guistique Ce processus comprend l’acte de fixer dans la mémoire de Krasiński une série de répliques énoncées en L1, puis celui de les transposer par écrit en L2 tout en constituant un texte sémantique-ment équivalent aux dialogues de départ Dans la traduction des mots d’autrui, ceux de Napoléon III, comme dans l’autotraduction de ses propres mots s’affirment les mécanismes métalinguistiques qui résultent du bilinguisme de l’auteur Ce fait prouve que le français autant que le polonais étaient les deux langues premières de Krasiński Les opérations métalinguistiques découlent des relations d’in-terprétation qui s’établissent entre deux langues coexistant dans l’esprit d’un bilingue de telle sorte qu’une des deux langues peut servir de métalangue à l’autre Krasiński a réalisé ses traductions préci-sément au moyen du parler bilingue qui inclut explicitement les traces de ses opérations métalinguis-tiques Elles prennent la forme de l’alternance de codes (code-switching), d’une double pensée langa-gière, d’interférences ainsi que de la négociation de significations communes dans une situation de différence entre les unités linguistiques de la L1 et de la L2 La transposition des audiences en langue polonaise désigne la traduction comme un genre particulier de communication entre Krasiński et la communauté nationale polonaise Ainsi, grâce à leur traduction écrite les audiences sont-elles deve-nues accessibles à des destinataires ne connaissant pas la langue française Mais, dans le même temps, cette traduction excluait les utilisateurs potentiels du français car la langue polonaise étaient une langue inconnue des élites françaises du XIXème siècle ; le polonais constituait donc un code secre