La mondialisation Sud-Sud Faux semblant et vrai semblable

International audienceDes coopérations économiques et des formes d’intégration denses entre pays du Sud opèrent de façon croissante aux échelles régionale et mondiale. Elles poussent à la dissolution du clivage Nord-Sud à l’origine des controverses les plus vives sur le développement économique et des représentations les plus actives de la dépendance. La mondialisation Sud-Sud fascine autant qu’elle inquiète. De fait, elle contribue au remodelage des relations internationales. Elle participe à l’institution d’un nouveau monde, multipolaire, dans lequel de nouvelles puissances émergentes comptent ; dans lequel des nations jusqu’à présent confinées à la périphérie deviennent de nouveaux centres du capitalisme mondial. Au plan productif, la mondialisation Sud-Sud relève d’une sophistication croissante de la Division internationale du travail (DIT) et contribue à forger une nouvelle géographie économique mondiale. Elle brouille les trajectoires gagnantes que les approches en termes de Chaine de valeur mondiale tentent d’identifier et de domestiquer quand l’évidence empirique d’une trappe à revenu intermédiaire fait douter de la puissance historiquement transformatrice de l’industrialisation et des stratégies exportatrices.L’objet général de ce chapitre consiste à caractériser cette configuration mondiale dans laquelle surgit un « Sud qui perd le Nord » (Chaponnière et Lautier) et à en discuter les effets sur le développement des pays les plus pauvres. Privilégiant l’étude de la relation commerciale et de la relation d’investissement intra-sud, il s’appuie sur une revue de la littérature existante.Mise en lumière par les vieilles institutions internationales pour ces vertus disruptives, la mondialisation Sud-Sud se manifeste par les asymétries qu’elle recrée au sein du capitalisme globalisé tout autant que par la contestation qu’elle porte des modèles institutionnels issus de la domination économique occidentale. Pour autant, rien ne semble a priori résolu par cette rotation axiale.On verra ainsi que si l’intégration croissante des pays du Sud donne lieu à une augmentation spectaculaire des relations productives, financières, coopératives et politiques entre les Etats et les firmes multinationales du Sud, elle profite autant qu’elle peut nuire au développement en général.Dense forms of economic cooperation and integration between countries of the South are increasingly taking place at the regional and global levels. They are pushing for the dissolution of the North-South divide, which is at the root of the most heated controversies on economic development and the most active representations of dependency. South-South globalization fascinates as much as it worries. In fact, it contributes to the reshaping of international relations. It participates in the institution of a new, multipolar world in which new emerging powers count; in which nations hitherto confined to the periphery become new centers of global capitalism. Productively, South-South globalization is part of the growing sophistication of the International Division of Labor (IDL) and is helping to forge a new global economic geography. It blurs the winning trajectories that Global Value Chain approaches attempt to identify and domesticate when empirical evidence of a middle-income trap casts doubt on the historically transformative power of industrialization and export strategies.The general purpose of this chapter is to characterize this global configuration in which a "South losing the North" (Chaponnière and Lautier) is emerging and to discuss its effects on the development of the poorest countries. Favouring the study of intra-South trade and investment relations, it is based on a review of the existing literature.South-South globalization, highlighted by the old international institutions for its disruptive virtues, manifests itself through the asymmetries it recreates within globalized capitalism as much as through the contestation it brings to the institutional models resulting from Western economic domination. However, nothing seems a priori resolved by this axial rotation.It will thus be seen that if the growing integration of the countries of the South gives rise to a spectacular increase in productive, financial, cooperative and political relations between the states and multinational firms of the South, it benefits as much as it can harm development in general