Entre contradictions et illusions: quelle(s) francophonie(s) pour quels francophones?

La vision que déclarent partager de nombreux francophones est celle d’une francophonie associée à un principe unificateur, la pratique de la langue française, entendue à la fois comme moyen de communication et comme vecteur privilégié d'une culture. Cette vision s'inscrit dans une conception extensive, celle d’une francophonie qui dépasse les frontières de l’Hexagone et des pays où le français a le statut de langue maternelle, pour réunir tous les francophones « ayant le français en partage ». Ces deux caractéristiques, lorsqu’on en mesure les implications, sont partiellement contradictoires. Comment concilier l’ouverture à des communautés dans lesquelles le français, tant du point de vue du corpus que du status, recouvre des réalités bien différentes, avec l’existence d’un seul « centre de référence » en matière de normativité linguistique ? Comment concilier la reconnaissance du droit à la différence culturelle et le passage souvent obligé par Paris pour la légitimation de biens symboliques comme la littérature ou le cinéma ? Comment assurer un véritable multilatéralisme dans les relations entre des pays francophones parmi lesquels le poids de la France est sans équivalent ? Ces contradictions sont manifestes dans le discours épilinguistique de nombreux francophones d’aujourd’hui et incitent certains à souligner la pluralité des francophonies. Certes, des changements sont en cours dans les représentations, en particulier chez les jeunes, qui préfigurent peut-être, au plan (socio)linguistique, l’émergence progressive d’une « francophonie pluricentrique », dont on trouve également des signes annonciateurs au Québec et, tout récemment, en Acadie. Toutefois, cette francophonie « pluricentrique », si elle n’est pas soutenue par des organismes officiels, a peu de chance de voir le jour. La francophonie institutionnelle, elle aussi traversée par certaines contradictions, doit pouvoir s’engager résolument dans une politique de soutien aux opérateurs francophones, parmi lesquels figurent les universités de langue française à vocation internationale