Déstabilisation des paysanneries du Nord Kivu : migrations, démocratisation et tenures

L'auteur défend la thèse selon laquelle les événements dramatiques dont le Kivu est le théâtre résultent en bonne partie de l'augmentation de l'insécurité des groupes de population paysanne. Ce processus voit le jour dans l'histoire de l'Etat colonial, puis post-colonial, relayé à la fin des années 1990 par des agences multilatérales. L'Etat et ses acteurs nantis ont créé une insécurité sociale et économique à la faveur de l'organisation d'une appropriation progressive de la terre par des agents extérieurs. Le mode collectif et lignager d'accès à la terre s'estompe à mesure que se développe une paysannerie locale relativement privée de terre et que se renforcent les haciendas de commerçants, de militaires, et de fonctionnaires qui seront elles-mêmes menacées en raison de la faible capacité coercitive de l'Etat central. Ni les règles coutumières, ni les codes fonciers édictés par l'Etat, se disqualifiant mutuellement, ne peuvent exercer de régulation. Cet imbroglio, savamment entretenu par des courtiers en immatriculation foncière, sert les intérêts des plus rusés. A la faveur des injonctions de démocratisation, assignées à l'Afrique par les occidentaux, des leaders politiques auront tôt fait de récupérer les rancoeurs par la diabolisation de l'étranger et l'invention de l'idéologie d'autochtonie