Récit mythique et posture d'espérance. Réponse au tragique contemporain à partir de l'œuvre d'Henry Bauchau

Le xxe siècle se caractérise par le retour d’un certain « sentiment de tragique » de l’existence engendré par l’ensemble des crises (politiques, économiques, médiatiques et culturelles) qui l’ont irrigué. Ce tragique se manifeste par un bris de la temporalité, et, partant, par une obsession pour la finitude : l’individu contemporain se définit souvent par une impossibilité à vivre le présent au regard du passé afin d’en dégager les perspectives de son avenir. Sous l’impulsion de ce sentiment, l’écrivain belge Henry Bauchau (1913-2012) adopte dans le champ littéraire une posture d’espérance, incarnée dans son œuvre par l’entremise d’une adaptation libre du mythe de Prométhée. Car s’il a transmis aux hommes le feu sacré de la technè, le Titan leur a surtout confié le don de l’Espérance, lequel va leur permettre de transiger avec leur condition mortelle. L’espérance constitue ainsi conjointement le témoignage de l’épreuve que représente la captivité à laquelle se sent soumis l’individu, et la non-acceptation de cette situation, c’est-à-dire la volonté patiente de son dépassement. C’est ce que tente Henry Bauchau, lorsqu’il s’engage dans ses œuvres sur la voie d’une restauration de la conscience téléologique de la vie humaine, qui s’ente sur la reprise et la réactualisation de récits mythiques. Par ce pari vital qu’il lance à la littérature, l’écrivain propose de replacer l’homme au cœur du questionnement contemporain, interrogeant ses origines à la lumière du présent afin, dans un discours aux accents prophétiques, non pas de prévoir son futur, mais bien de le préparer