Etude des voies inflammatoires dans les cellules sanguines mononucléés et relation avec les symptômes psychologiques et cognitifs développés par les sujets alcoolo-dépendants

Introduction : Les sujets alcoolo-dépendants présentent une augmentation de la perméabilité intestinale et des modifications de la composition de la flore bactérienne (appelée également microbiote intestinal). Ces changements intestinaux induisent un passage d’endotoxines bactériennes, ou lipopolysaccharides (LPS) à travers la paroi intestinale vers la circulation sanguine et une réaction inflammatoire systémique. Dans une précédente étude, nous avons montré que les cytokines inflammatoires étaient corrélées aux symptômes dépressifs et à l’appétence à l’alcool (craving), suggérant que l’inflammation pourrait avoir un rôle majeur dans le développement de la dépendance à l’alcool. Cependant, les facteurs à l’origine de cette inflammation sanguine restent indéterminés. Le but de cette étude est d’analyser, d’une part, l’impact des produits bactériens dérivés de l’intestin sur la stimulation des voies inflammatoires dans les cellules sanguines mononuclées des patients alcooliques ainsi que leurs conséquences sur les symptômes psychologiques et les capacités cognitives. Méthodologie : Les cellules mononuclées du sang périphérique ont été isolées chez 63 sujets alcoolo-dépendants non cirrhotiques. L’analyse de l’expression intracellulaire des molécules impliquées dans le signaling inflammatoire a été réalisée principalement par PCR quantitative et Western blot. 20 patients ont été soumis à différents tests pour évaluer la dépression (BDI), l’anxiété (STAI), le craving pour l’alcool (OCDS), l’attention sélective (BAWL) et la mémoire de travail (Digit Span, Brown-Peterson). Les patients ont été comparés à un groupe de 14 sujets sains, matchés pour l’âge et le sexe. Résultats : Nous avons observé que les produits bactériens d’origine intestinale tels que le LPS mais également les peptidoglycans (PGN) interagissaient avec leurs récepteurs spécifiques (TLR4/CD14, TLR2/NOD2) pour activer la voie dépendante du facteur de transcription AP-1 alors que la voie dépendante de NFkB restait inhibée. L’expression intracellulaire des molécules appartement aux voies stimulées par les LPS et PGN étaient corrélées avec la consommation d’alcool, le craving et la mémoire de travail. Les voies dépendantes des PGN et de l’AP-1 étaient associées à l’anxiété alors que les cytokines dépendantes de NFkB étaient corrélées à l’attention sélective. Conclusion : En plus des LPS, les PGN provenant du microbiote intestinal et traversant la paroi intestinale semblent jouer un rôle essentiel dans l’activation des voies inflammatoires des cellules mononuclées du sang. L’expression des molécules inflammatoires est associée à différents facteurs psychologiques et cognitifs. Ces résultats supportent le rôle clé de l’axe « intestin-cerveau » dans le développement de la dépendance à l’alcool