Brève exploration de la qualité dans l’enseignement supérieur

L’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur fait l’objet d’une littérature très abondante dans de nombreuses langues et de nombreuses disciplines. Prétendre à l’exhaustivité serait dès lors une gageure. Il existe une multitude de formes d’évaluation de la qualité : l’assurance qualité, l’accréditation, les rankings, l’évaluation des enseignements par les étudiants, l’évaluation par les pairs, etc. Il a été choisi ici de se concentrer sur l’assurance qualité, c’est-à-dire une évaluation par un organisme extérieur des procédures par lesquelles l’établissement cherche à atteindre ses objectifs. L’assurance qualité suit une procédure désormais classique : auto-évaluation de l’établissement, audit externe par des experts (généralement composé des pairs) et suivi de l’évaluation. L’assurance qualité prend pour modèle le Total Quality Management de l’industrie. Elle fait partie des préceptes du New Public Management qui consiste en l’application des méthodes de gestion des entreprises au secteur public. Face à l’abondante littérature en la matière et dans de nombreuses langues, il a été choisi de croiser les littératures francophone et anglophone, en se concentrant plus particulièrement, mais pas exclusivement, sur l’Europe et le processus de Bologne. Dans un premier temps, une histoire de l’assurance qualité dont la naissance se situe aux États-Unis pour se diffuser ensuite vers l’Europe sera présentée afin de comprendre les conditions dans lesquelles cet instrument de gestion est apparu et s’est diffusé. Dans un second temps, l’article reconstruit un réseau informel d’auteurs qui font autorité dans l’analyse de l’évaluation de la qualité. Ces auteurs collaborent souvent ensemble et soumettent leurs analyses au service des politiques éducatives d’organisations internationales (OCDE, UNESCO), de l’Union européenne ou de gouvernements nationaux. A ce titre, ils disposent d’importantes ressources (en termes de financement, de supports de diffusion, d’alliés académiques et politiques) qui leur permettent de s’imposer dans la littérature. La troisième partie de l’article présente une série d’analyses critiques sur certains effets de l’assurance qualité sur le monde universitaire : les transformations du rôle de l’Université, les relations entre l’établissement d’enseignement supérieur et son environnement (principalement le pouvoir politique et les étudiants), les logiques de gouvernance et d’organisation des établissements, les transformations des identités professionnelles et des relations interne aux établissements et les modifications dans les rapports au savoir. L’assurance qualité est un objet d’analyse scientifique, un outil de gestion mais également un outil politique qui fait l’objet d’âpres débats et divise la communauté académique. Malgré les vives critiques dont elle fait l’objet, l’assurance qualité s’impose partout dans le monde et ce mouvement ne semble pas près de s’arrêter. La conclusion de cet article s’arrêtera sur quelques éléments expliquant les difficultés qu’il y a de résister à l’assurance qualité